La jeune cinéaste Anne Émond vient de terminer le tournage de son premier long métrage, Nuit 1, un huis clos entre deux amants qui s'engagent dans une longue discussion sur la vie... après avoir fait l'amour.

Depuis sa sortie de l'UQAM en 2005, où elle a étudié en cinéma, Anne Émond a produit au moins un court métrage par année, dont l'un de ses plus récents, Naissances, a remporté le prix du meilleur court métrage au Brooklyn International Film Festival.

Le thème récurrent de ses films: les rencontres fortuites entre étrangers qui se reconnaissent, le temps d'un regard, d'un bref échange ou même d'une nuit, sans qu'il y ait nécessairement de suite à leur histoire. Avec des fins en point d'interrogation.

Nuit 1 s'inscrit dans l'exploration de cette valse entre l'amour immédiat, où l'on ne se dit pas grand-chose, et l'engagement durable. Un défi, selon la cinéaste, que vivent les jeunes de sa génération, les 27 à 35 ans.

«C'est comme si, aujourd'hui, nous sommes tellement libres de mettre fin à nos relations et à nos communications de façon générale, qu'on ne prend plus la peine de s'investir. C'est vraiment l'exploration d'un nouveau mode relationnel», explique Anne Émond.

L'essentiel des 19 jours de tournage a eu lieu dans un appartement du quartier Mercier, dans l'est de la métropole. Le film débute par un rave (tourné dans un loft) où Clara et Nicolai se rencontrent. Les deux inconnus quittent la fête et se retrouvent dans l'appartement du jeune homme, où ils font d'abord l'amour.

Mais leur conquête sera suivie d'une longue discussion sur la vie, la mort, l'amour. «Comme beaucoup de jeunes de ma génération, ils maîtrisent bien la communication qui passe par la sexualité, précise Anne Émond. Mais après, c'est plus difficile. Ils sont plus maladroits.»

Ces deux inconnus, incarnés par Catherine de Léan (La capture, Le banquet, La vie secrète des gens heureux, etc.) et le Français Dimitri Storoge (vu dans Dédé à travers les brumes), s'engagent ainsi dans une longue discussion sur leur quête de bonheur, leur mal-être, leur désengagement.

«Tout se passe dans la parole, détaille Anne Émond. Comme s'ils se racontaient pour la première fois.»

Une distribution cruciale

Puisque le film repose entièrement sur la performance des acteurs, on devine que le choix de la distribution a été déterminant pour la réalisatrice. «En écrivant le scénario, nous dit Anne Émond, j'ai tout de suite pensé à Catherine de Léan, avec qui je venais de terminer un court métrage (Sophie Lavoie) - qui a d'ailleurs remporté le prix du meilleur court métrage au Festival du nouveau cinéma (FNC), le mois dernier.

«Nous avons quand même fait des auditions mais j'espérais que Catherine soit bonne! Je voulais absolument retravailler avec elle. Après, il a fallu lui trouver un partenaire. Le coproducteur Sylvain Corbeil nous a aiguillés sur Dimitri, un acteur français avec qui ça a vraiment bien marché.»

Inspirée par les films d'Ingmar Bergman - Scènes de la vie conjugale, Persona - et de Jean Eustache - La maman et la putain -, la réalisatrice a voulu créer une ambiance intimiste, avec des gros plans, en misant tout sur les mots, dans un huis clos où les personnages «se disent tout».

Au cours de ces «confessions», ces deux étrangers, qui partagent une même solitude, réaliseront qu'ils se ressemblent «monstrueusement», «qu'ils ont les mêmes manques, les mêmes défauts». À la fin, nous dit Anne Émond, on espère qu'ils se reverront.

Nuit 1 sortira en mai 2011, d'abord dans le circuit des festivals, puis en salle dans les mois qui suivront.