Bruny Surin passe du sport au cinéma. Le sprinter jouera un «rôle-clé» dans le long métrage Croix des Bouquets, qui sera réalisé par la comédienne d'origine haïtienne Marie-Ange Barbancourt, qui tient également le rôle principal. Angelo Cadet, Jean-François Boudreault, Tchetchena Bellange, Jimmy Jean-Louis et Céline France feront aussi partie de la distribution.

«Ça fait longtemps que Bruny émet le désir d'être à l'écran, raconte Marie-Ange Barbancourt, qui a coscénarisé le film avec Zénon Olejniczak. Après avoir lu le script, il a décidé d'embarquer... tout en s'assurant qu'il serait bien coaché

L'athlète incarnera Michelot Antoine, un fier-à-bras avec des remords de conscience. Un personnage ambigu qui, selon Mme Barbancourt, est à l'image même d'Haïti, par son «mélange contradictoire de force et de candeur». Quant à Angelo Cadet, il jouera le rôle d'un être perfide et manipulateur, prêt à tout pour accéder au pouvoir. Céline France et Tchetchena Bellange incarneront de leur côté les soeurs de Marie-Ange Barbancourt.

Constat corrosif

Autant le dire toute de suite, Croix des Bouquets ne sera pas tendre à l'endroit d'Haïti. Mme Barbancourt parle d'emblée d'un «constat sociopolitique corrosif» et d'un «scénario coup-de-poing» qui se veut comme une métaphore de la société haïtienne.

L'histoire? Une femme revient dans son pays d'origine après l'assassinat de sa vieille mère. En plus des problèmes entourant l'héritage, elle réalise que ce monde ne lui ressemble plus et qu'elle n'y a plus sa place. Prise à partie, elle verra éventuellement sa vie basculer.

Comment? Mme Barbancourt n'en dit pas plus. Elle admet en revanche que certains événements du film sont tirés de faits vécus: sa mère a réellement été assassinée en 2009, tout comme son père bien des années plus tôt. Partie d'Haïti à l'âge de 13 ans parce qu'elle avait une «grande gueule», la comédienne n'est retournée que trois fois en Haïti depuis son arrivée au Québec en 1971.

Faut-il voir Croix des Bouquets comme un règlement de comptes? «Je garde quand même une distance, répond-elle. Mais il est temps que l'on pose un regard juste sur la société haïtienne en oubliant le politiquement correct. C'est une société édifiée sur le non-dit, le mensonge et qui est prisonnière de son indépendance. Et moi, je veux que mon film réveille les consciences.»

Tournage à Cuba

Pour des raisons de sécurité, le tournage n'aura pas lieu en Haïti. L'actrice craint que le propos «corrosif» de son film lui attire des menaces. Les premiers coups de manivelle auront donc lieu fin janvier... à Cuba. De courtes séquences seront progressivement mises en ligne sur le site web du film, dont le budget total s'élèvera à 1,5 million de dollars. Mme Barbancourt prévoit une sortie en salle pour 2012.

Marie-Ange Barbancourt, qui s'est fait connaître dans le téléroman L'héritage, fut une des premières actrices noires à la télé québécoise. Elle a aussi travaillé comme animatrice (MusiquePlus, Radio-Canada), réalisatrice (Mosaïque à TVA) et actrice au cinéma (Un cargo pour l'Afrique). Elle travaille actuellement sur un nouveau scénario de long métrage et ne semble pas en manque de contenu.

«J'ai besoin de dire des choses», conclut-elle.