Joel et Ethan Coen aux commandes d'un western? Pourquoi pas. D'autant plus que les deux frères ont insufflé pas mal d'eux-mêmes dans True Grit, tout en restant fidèles à l'univers créé par Charles Portis dans le roman du même nom.

Un roman qui a déjà été adapté au cinéma. Les frangins se défendent toutefois d'en avoir fait le remake: ils sont retournés aux sources du récit, le livre. Mais ont engagé leur «Dude», Jeff Bridges, pour se glisser dans le personnage qui a valu un Oscar au Duke, John Wayne. Rencontre avec ce tandem brillant et ceux qui brillent à l'écran grâce à lui.

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« La langue de chez eux »

«Nous avons vu le film quand il a pris l'affiche, en 1969, et nous ne l'avons pas revu depuis. Nous n'avons pas essayé de lui rendre hommage ici. C'est à peine si nous nous en souvenons», a indiqué Ethan Coen lors d'une conférence de presse tenue la semaine dernière à Los Angeles, utilisant ce «nous» qui les englobe, son frère Joel et lui, dans l'écriture comme dans la réalisation.

Ce qu'ils voulaient faire avec True Grit: adapter à l'écran le roman de Charles Portis - comme ils ont adapté No Country for Old Men de Cormac McCarthy, et comme ils sont en train d'adapter The Yiddish Policemen's Union de Michael Chabon. Des adaptations entre deux pures créations - telles A Serious Man, Fargo et autres The Big Lebowski, dans lequel Jeff Bridges interprétait The Dude. Dans True Grit, il reprend un rôle mythique créé par The Duke.

«Reprendre un rôle rendu célèbre par John Wayne? Je n'étais pas sûr que ce soit une bonne idée. C'est pour cela que j'ai d'abord hésité à accepter l'invitation des brothers, a admis Jeff Bridges. Mais Ethan m'a expliqué qu'ils allaient adapter le roman, pas refaire le film. J'ai donc lu le livre et j'ai compris de quoi ils parlaient. C'est un roman extraordinaire et je trouvais qu'il allait bien aux Coen. Et puis, quel personnage! Vous savez, la plupart des westerns mettent en scène ces types forts, silencieux... et soudain, vous avez Rooster Cogburn, ce rustre qui parle trop, qui boit trop. Je me suis dit que ça allait être une expérience vraiment plaisante.»

Rooster, donc, est le shérif de Fort Smith, en Arkansas. Un shérif qui, même pour ces années 1870 où la justice bat de l'aile, a la gâchette un peu trop rapide. Arrive Mattie Ross (Hailee Steinfeld), 14 ans, opiniâtre et fermement décidée à venger la mort de son père, tué de sang-froid par le traître Tom Chaney (Josh Brolin). Lequel s'est réfugié en territoire indien avec la bande de Lucky Ned Pepper (Barry Pepper). Mattie parvient à convaincre Rooster de l'accompagner dans sa quête (moyennant un échange d'argent). Un troisième joueur se joindra à leur expédition, le ranger texan LaBoeuf (Matt Damon), qui a lui aussi des comptes à régler avec Chaney.

Au sujet de ce personnage, Josh Brolin dit qu'il est «une ampoule électrice brisée sans filaments à l'intérieur. J'ai aimé la dualité de ce type dont on parle constamment pendant le film, qu'on imagine comme un monstre et qui, quand il apparaît dans le dernier acte, n'a pas l'air tout à fait là ou semble très ordinaire... avant de, tout à coup, péter les plombs et afficher ses couleurs de vrai sociopathe».

Les personnages que Charles Portis a créés sont en effet multidimensionnels, contrairement à ceux, très manichéens, que présente le film original.

Des nuances que les Coen ont exploitées. Au plus grand plaisir de leurs acteurs. «Pour moi, chaque scène est l'occasion de présenter une autre facette de Rooster», explique Jeff Bridges, dont le travail commence toujours à la lecture du scénario et du livre (si livre il y a). «J'étudie ce que les autres personnages disent du mien et ce que mon personnage dit de lui-même.»

Suivent les rencontres avec l'équipe responsable des costumes - car si l'habit ne fait pas le moine, il peut faire le personnage. Dans le cas de True Grit, Jeff Bridges a travaillé de nouveau avec Mary Zophres, créatrice de costumes avec qui il a travaillé pour The Big Lebowski. Car Joel et Ethan Coen sont des hommes de famille. Ainsi, à la direction photo, ils ont encore une fois fait appel au légendaire Roger Deakins, avec qui ils travaillent depuis Barton Fink, et qui a eu ici de grands défis à relever. Aussi grands que les paysages où ils ont tourné. De nuit, souvent. Dans la neige, régulièrement. Avec des chevaux, tout le temps.

«Ça n'a pas été un tournage facile. Le temps n'a pas été très coopératif, les chevaux non plus», admet Joel Coen.

Le tournage s'est fait en Arkansas, au Nouveau-Mexique et dans la partie ouest du Texas. «Nous pensions Utah et Colorado, mais nous aurions eu trop de neige dans ces endroits-là. Nous en voulions, mais pas trop», indique Ethan Coen.

En fait, pour Roger Deakins, le grand défi a été celui des scènes nocturnes. «C'est le cauchemar des directeurs photo, avoue-t-il. La lumière de la lune, d'un feu de camp, d'une lampe à huile, c'est difficile. Et si vous voulez avoir une image réaliste, vous avez à travailler très dur, à tricher, mais de manière non apparente.»

Et de rire avec les Coen au sujet du film original où plusieurs scènes de nuit prennent place dans la journée ou commencent au crépuscule puis, grâce à la magie (!) d'une coupure, se poursuivent sans transition en plein jour. «Je sais pourquoi ils ont fait ça», pouffe Roger Deakins. Mais il ne leur est pas passé par l'esprit, ni à lui ni aux brothers, de faire ainsi. Preuve de leur vrai courage. De leur true grit.

True Grit prend l'affiche le 22 décembre.

Les frais de voyage ont été payés par Paramount Pictures.