Depuis leur présentation en compétition au Festival de Cannes en 2009, Un prophète et Le ruban blanc, sortis seulement cette année au Québec, sont incontestablement inscrits dans une classe à part. Les deux premières places de ce palmarès leur reviennent d'emblée, sans aucune hésitation. Plusieurs excellents films se disputent les autres positions, parmi lesquels quelques productions déjà présentées par des festivals montréalais, dont la sortie commerciale n'aura toutefois lieu chez nous qu'en 2011. On se gâte.

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1. Un prophète, de Jacques Audiard
(France)

Le réalisateur de De battre mon coeur s'est arrêté a proposé un drame carcéral aussi dur que bouleversant. Et d'une puissance rare. Avec, comme personnage central, un jeune homme illettré doté d'un instinct très sûr et d'une intelligence peu commune. Ce dernier fera son éducation à l'intérieur des murs, histoire d'apprendre à se démarquer. Face à l'immense Neils Arestrup, chef d'un clan corse, Tahar Rahim, inconnu auparavant, est stupéfiant. Lauréat du Grand prix à Cannes en 2009, Un prophète relève tout simplement de l'exception.

2. Le ruban blanc, de Michael Haneke
(France, Autriche, Italie, Allemagne)

Das Weisse Band, Palme d'or à Cannes en 2009, propose une étude à la fois fascinante et implacable sur une génération élevée dans un climat de terreur, dont les enfants iront embrasser le nazisme vingt ans plus tard. Fidèle à sa réputation, le réalisateur de La pianiste et de Caché a élaboré un film dérangeant, lequel se démarque toutefois par sa grande sobriété d'approche. Le propos est d'autant plus ravageur que l'auteur cinéaste l'enrobe d'un voile doucereux - presque serein - sous lequel on devine les pires turpitudes. Accents bergmaniens en prime. Tout aussi exceptionnel qu'Un prophète.

3. Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois
(France)

Présenté au Festival du nouveau cinéma de Montréal, le film lauréat du Grand Prix au Festival de Cannes cette année, Des hommes et des dieux est à inscrire au panthéon des grandes oeuvres spirituelles contemporaines. Au même titre que Thérèse (Alain Cavalier) ou, plus près de nous, La neuvaine (Bernard Émond). Portant à l'écran un scénario inspiré du massacre tragique, en 1996, de sept moines français à Tibhirine en Algérie, Xavier Beauvois (Le petit lieutenant) offre un film sobre et bouleversant, atteint par la grâce. Sortie en salle prévue le 25 février 2011 au Québec.

4. Inception, de Christopher Nolan
(États-Unis)

Voilà le film ayant probablement suscité le plus de discussions dans les différents forums. Il est tout à l'honneur de Christopher Nolan d'avoir réussi à concocter une superproduction hollywoodienne spectaculaire en ciblant aussi un public non réfractaire aux exercices intellectuels. L'auteur cinéaste aspire totalement le spectateur dans son univers intriguant, sans toutefois lui fournir toutes les réponses. La logique interne du récit se laissera ainsi découvrir au fil de visionnages subséquents, pendant lesquels de nouvelles choses se révéleront. La matière est riche et la manière, brillante. Sans parler du facteur «Wow!».

5. Carlos, d'Olivier Assayas
(France)

Sans recourir au psychologisme facile, Olivier Assayas tente de cerner la personnalité très complexe d'un homme fascinant, notamment par rapport à son image. Triomphant au début, misant à fond sur son côté séducteur, Ilich Ramirez Sanchez, surnommé Carlos, dépérit pourtant au fil des périples et des contrariétés. Encore aujourd'hui, le célèbre terroriste reste une énigme tout autant qu'un formidable personnage de cinéma. Qui est aussi emblématique d'une époque dont Assayas évoque l'esprit avec très grande justesse. L'acteur vénézuélien Edgar Ramirez propose une composition magistrale dans un film à la hauteur de sa performance.

6. Potiche, de François Ozon
(France)

Cette comédie aussi jouissive que déjantée, présentée au Festival Cinémania de Montréal, se situe à mi-chemin entre Sitcom et 8 Femmes. S'inspirant d'une pièce de boulevard des années 70 écrite à l'époque pour Jacqueline Maillan, François Ozon propose sans contredit l'un de ses meilleurs films. Catherine Deneuve fait merveille dans le rôle d'une femme-trophée à qui personne ne demande son avis. Et qui, par un concours de circonstances, se retrouve à la tête de l'entreprise dirigée par son mari (Fabrice Luchini). Cette comédie grinçante et tendre à la fois, toujours étonnante, nous offre aussi d'irrésistibles moments entre Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. Sortie en salle prévue en juin 2011 au Québec.

7. Biutiful, d'Alejandro Gonzalez Inarittu
(Mexique)

À Barcelone, un type impliqué dans des affaires clandestines se découvre le don de pouvoir dialoguer avec les morts. Quatre ans après Babel, Alejandro Gonzalez Inarritu, qui a marqué le cinéma de la dernière décennie grâce aussi à Amores Perros et 21 Grams, amorce un nouveau cycle avec Biutiful, un mélodrame assumé dont il a écrit seul le scénario. Si ce plus récent opus s'inscrit différemment dans sa démarche artistique, le cinéaste mexicain aborde néanmoins de front ses préoccupations habituelles. Inarritu offre ici un film émouvant, porté par une performance remarquable de Javier Bardem, lauréat incontestable du prix d'interprétation au Festival de Cannes. Sortie en salle le 25 février 2011 au Québec.

8. Persécution, de Patrice Chéreau
(France)

Voilà un titre que vous ne retrouverez probablement sur aucune autre liste du même genre. Unanimement décrié ou presque, le long métrage de Patrice Chéreau n'est pas aimable, il est vrai. Mais la quête du réalisateur de L'homme blessé amène ce dernier à toujours pousser les affrontements psychologiques dans leurs derniers retranchements. Comme une urgence de dire, de scruter les sentiments dans ce qu'ils ont de plus brut, sans faux-fuyants. Persécution est sans doute le film où Chéreau amène son questionnement le plus loin. Romain Duris, qui a connu une année royale, livre une performance hallucinante de vérité dans la peau d'un être déstabilisant et pétri de contradictions. L'acteur met toute sa vulnérabilité au service de ce personnage complexe, toujours sur le fil du rasoir. Troublant et beau.

9. Animal Kingdom, de David Michôd
(Australie)

Lauréat du prix du meilleur film dramatique étranger au Festival de Sundance, ce premier long métrage de l'Australien David Michôd se distingue par une approche très réaliste, en parfait équilibre entre le film de «pègre» et le drame familial. Marquée par des performances électriques d'acteurs pratiquement inconnus chez nous (Guy Pearce mis à part), cette évocation quasi-shakespearienne, campée dans un modeste milieu de Melbourne, se colle sur les réflexes instinctifs de ses protagonistes. Très fort.

10. Incendies, de Denis Villeneuve
(Québec)

On accorde d'emblée une place dans cette liste à ce film inspiré par la pièce de Wajdi Mouawad. Malgré quelques scories et un questionnement sur le plan de la distribution (dont on ne peut parler sans révéler une clé de l'énigme), le film de Denis Villeneuve est d'une puissance dramatique remarquable. Surtout, le réalisateur de Polytechnique a réussi l'exploit rarissime de faire courir les foules québécoises dans les salles avec un film plus dur, plus exigeant. Le phénomène Incendies nous rappelle qu'il est possible d'allier l'ambition artistique au succès populaire. Bravo.