Particulièrement grave aux États-Unis, la crise économique a fait de nombreuses victimes, forçant des gens qui ne s’y attendaient pas à tout remettre en question. Dans The Company Men, des professionnels licenciés font face à la dure réalité.

John Wells est un producteur réputé qui a fait sa marque à la télévision grâce à de nombreuses séries à succès, dont il a parfois assuré la réalisation le temps de quelques épisodes. Ce fut notamment le cas de la série E.R. Son nom est aussi associé à The West Wing et, plus récemment, aux séries Shameless et Southland. Même si le cinéma a toujours fait partie de son champ d’activité, The Company Men revêt un caractère particulier à ses yeux. Pour son premier long métrage, Wells a su attirer des comédiens de renom : Ben Affleck, Tommy Lee Jones, Chris Cooper, Craig T. Nelson, Kevin Costner et Maria Bello ont répondu à l’appel.

«Ce sujet a une résonance plus intime pour moi, a expliqué l’auteur cinéaste au cours d’un entretien téléphonique le mois dernier. À vrai dire, j’ai écrit cette histoire il y a longtemps, au moment où la bulle internet a éclaté, dans les années 90. À l’époque, mon beau-frère a été emporté dans la tourmente et a perdu son emploi du jour au lendemain. Ce fut très dur pour lui.»

Pour faire écho à ce drame, l’auteur cinéaste avait alors lancé un appel public aux témoignages. Il avait reçu des milliers de réponses. Cette démarche évoque celle qu’avait empruntée Jason Reitman pour sa comédie dramatique Up in the Air. Cela dit, les approches des deux réalisateurs sont foncièrement différentes. The Company Men plonge au cœur du drame. Wells a d’ailleurs été contraint à l’époque de ranger son scénario dans un tiroir, aucun studio ne voulant lui donner le feu vert.

«Il y a trois ans, alors qu’une nouvelle crise financière s’amorçait, cette histoire a retrouvé sa pertinence, rappelle John Wells. Cette fois, j’ai décidé de mener le projet de A à Z et de le réaliser moi-même. Je voulais faire honneur aux histoires de ces gens. Et faire écho en particulier au drame que vivent les hommes plus mûrs, ceux qui ont toujours défini leur vie par rapport à leur profession. Et dont le désarroi infini s’accompagne souvent d’un grand sentiment de honte.»

Une crise profonde

Le récit décrit ainsi le parcours de Bobby Walker (Ben Affleck), cadre d’une multinationale comptant pas moins de 60 000 salariés. Le train de vie appréciable que lui permet cet emploi change du jour au lendemain alors qu’une restructuration d’entreprise le laisse sur la touche. Bientôt, ses collègues plus âgés, qu’on aurait cru intouchables, sont aussi sacrifiés. Et voient s’effondrer d’un coup tout leur système de valeurs.

«La crise a été si profonde que tout le monde aux États-Unis en a été affecté d’une façon ou d’une autre, soutient John Wells. Au moment où j’ai repris ce scénario, nous étions au bord du gouffre. La situation empirait de jour en jour. C’est pourquoi, à mon avis, tous les acteurs que j’ai pressentis m’ont immédiatement offert leur soutien. Ils voulaient participer, faire quelque chose. Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais cru pouvoir réunir une telle distribution.»

De l’ordre du fantasme

Wells est d’autant plus ravi qu’au moment où il a remanié son scénario pour l’actualiser, il a carrément mis les visages des acteurs sur ses personnages, même s’il croyait alors ne jamais pouvoir obtenir leur accord.

«The Company Men étant une production modeste qu’il fallait tourner rapidement, j’ai écrit le scénario en pensant aux acteurs que j’aimerais voir devant ma caméra, explique-t-il. Mais tout cela relevait du fantasme. J’étais convaincu qu’aucun d’entre eux ne serait tenté par l’aventure. Or, ils ont tous accepté ! Je n’en reviens pas encore. Je pensais à Ben Affleck pour le rôle de Bobby depuis que je l’ai vu dans Changing Lanes, où je l’avais trouvé remarquable. Tommy Lee Jones est un acteur qui se met toujours entièrement au service du personnage. Il émane de lui une force tranquille, un genre de virilité qu’on trouve rarement maintenant. Quant à Kevin Costner, il incarne la quintessence même de l’Américain moyen. C’est une icône.»

John Wells devrait en principe entamer bientôt le tournage de son deuxième long métrage. August: Osage County est une adaptation de la pièce de Tracy Letts, lauréate du prix Pulitzer. Cette comédie réunira à l’écran Meryl Streep et Julia Roberts.

«Les projets de télévision et de cinéma sont très distincts dans mon esprit, indique-t-il. Même si la présence de chaînes spécialisées nous offre désormais des possibilités infinies et très stimulantes à la télé, il reste que le cinéma s’impose comme le média idéal pour créer une œuvre plus personnelle. Quand vient le moment de mettre en scène une histoire qui peut avoir sa propre existence, avec un début, un milieu et une fin, il vaut mieux en faire un long métrage!»

The Company Men prend l’affiche le 21 janvier en version originale anglaise seulement.