Un brillant documentaire britannique décrypte au festival de Sundance les origines de la crise économique et financière de 2008, avançant l’hypothèse qu’elle est davantage due à l’appauvrissement des classes moyennes qu’à la cupidité de Wall Street.

The Flaw
(La faille), du Britannique David Sington -- Prix du public à Sundance en 2007 pour son documentaire À l’ombre de la lune, sur la mission Apollo -- est présenté en compétition au festival du cinéma indépendant qui se tient à Park City, dans les montagnes de l’Utah (ouest), jusqu’au 30 janvier.

«Ce qui m’a attiré dans cette histoire, c’est l’ivresse de la page blanche», déclare David Sington à l’AFP. «Je pouvais faire ce que je voulais, car personne ne savait exactement ce qui s’est passé».

«J’ai parlé avec beaucoup de patrons de Wall Street et ils étaient toujours très bavards sur comment les choses se sont passées. Mais sur le pourquoi de la crise, ils n’avaient pas plus d’idées que moi», remarque-t-il.

Pendant les trois premiers mois de travail sur le documentaire, David Sington et son équipe ont essayé de comprendre où était la faille intellectuelle ayant mené au désastre: Manque d’idées? Problème de régulation? Des agences de notation fautives? «Après trois mois, nous n’avions qu’une longue liste d’hypothèses», dit-il.

C’est finalement en salle de montage, après avoir mené des dizaines d’heures d’entretien et étudié des pages de statistiques, que David Sington se fait son idée sur la question.
«Environ 80% des subprimes (crédits hypothécaires à risque) ont été accordés à des gens qui avaient déjà des prêts immobiliers», remarque-t-il. «On n’avait donc pas affaire à de nouveaux emprunteurs avec un profil à risque, mais à des personnes déjà endettées dont le profil se détériorait».

«Il m’a semblé que c’est là-dessus que le film devait se concentrer. Expliquer pourquoi des Américains ordinaires devenaient des profils à risque alors qu’ils ne l’étaient pas quelques années auparavant», dit-il.

Pour lui, la réponse est claire: une mauvaise répartition des richesses. «En gros, tout le monde sait que les riches sont de plus en plus riches et que la classe moyenne stagne», observe-t-il. «Mais la révélation, pour moi, a été de voir l’échelle de cette disparité, particulièrement aux États-Unis».

«Il est stupéfiant que l’économie américaine ait plus que doublé entre les années 80 et aujourd’hui, et que malgré cela, les conditions de vie de 90% de la population ne se soient pas améliorées et aient même plutôt empiré», dit-il.

«Le marché immobilier a été pour (la classe moyenne) une façon de rejoindre le groupe d’un pour cent de la population» qui n’a cessé de s’enrichir ces trente dernières années. «Ils ont compris, instinctivement, qu’ils devaient faire de leur maison un actif s’ils voulaient passer d’un groupe à l’autre».

Pour illustrer ce dévoiement du capitalisme -- et en expliquer les principes -- le cinéaste a introduit dans son documentaire des extraits de dessins animés de propagande, destinés aux soldats américains dans les années 50, leur expliquant les bienfaits du système face aux choix soviétiques.

«Je pense qu’à l’époque, cette propagande était basée sur la réalité. C’est ce qui se passait dans les années 50 et 60: tout le monde bénéficiait égalitairement» de la croissance économique, affirme-t-il.

Si le documentaire écarte finalement l’hypothèse de la cupidité de Wall Street pour expliquer la crise, il ne dédouane pas complètement les financiers.

«2006 est l’année où explose la bulle immobilière», remarque-t-il. «Et ce qui est choquant, c’est que face au désastre imminent, l’attitude de Wall Street n’a pas été de dire «Comment éviter la catastrophe?» mais «Comment en faire une source de profits?».