Pour la première fois depuis Les invasions barbares, Marie-Josée Croze tourne à Montréal. Elle tient le rôle principal d'une policière, Mary, animée d'un sentiment de vengeance dans le long métrage Another Kind of Silence de Santiago Amigorena. La Presse l'a rencontrée hier.

Le désir de vengeance doit-il être classé parmi la gamme des fantasmes acceptés et acceptables d'une personne normalement constituée? Là-dessus, chacun aura sa réponse. Pour la comédienne Marie-Josée Croze, il y a quelque chose d'humain là-dedans. Face à des événements extrêmement graves et exceptionnels, le désir de vengeance peut ressurgir.

C'est ce qui anime son personnage de Mary, une policière de Toronto, au début du film Another Kind of Silence dont une partie est actuellement tournée à Montréal.

Au début de ce long métrage de Santiago Amigorena (Quelques jours en septembre), Mary est frappée par la mort de son mari Joshua et de son fils Nicky, assassinés dans leur voiture. D'instinct, elle sait que ces meurtres ont été commandés par Pablo Molina, trafiquant de drogue qu'elle a réussi à faire coffrer. Animée d'un désir de vengeance, Mary part à la recherche du meurtrier, jeune neveu de Molina.

«Quand on est victime de quelque chose d'aussi extrême que la perte de toute sa famille, ça peut mener à une envie de vengeance complètement anarchique, dit la comédienne québécoise, rencontrée hier midi dans un hôtel de Montréal. Elle va déraper afin de se faire justice elle-même. C'est un peu un pétage de plomb.»

Mais le désir de vengeance sera confronté à une autre forme de sentiment, explique Santiago Amigonera au cours de l'entrevue. «Mary fait un long voyage qui la mène du Canada à Buenos Aires, puis à la frontière entre l'Argentine et la Bolivie. En chemin, elle se rend compte que la vengeance n'est peut-être pas utile», indique-t-il.

De plus, dit ce dernier, il y a une séparation très nette entre le désir de vengeance et l'acte en soi. Entre le sentiment et le geste, seul le geste doit être puni. «Là où la loi intervient, c'est dans les actes, dit Amigorena. On ne juge pas les envies. Le film tend clairement à montrer qu'au-delà du fait d'être policier, n'importe quel être humain, s'il peut retenir son désir de vengeance, devient plus humain. Dans mon film, le personnage gagne en humanité. Il va vers le pardon.»

Le tournage à Montréal dure huit jours. C'est le début du film qui est tourné ici. Le reste du long métrage a été réalisé avant Noël en Argentine. Montréal personnifie ici... Toronto. Un Toronto froid, austère, figé. Parfaitement dans le ton du scénario.

Proche de Celia et Nathalie

Même si c'est peu mentionné dans le film, Mary n'est pas un être facile et n'a pas une histoire facile. «Ce n'est pas une policière qui a eu une vie sympathique et gentille. Elle a un passé assez complexe», décrit Amigonera, qui voit des similitudes entre Mary et les personnages de Celia dans Ararat (Atom Egoyan) et de Nathalie dans Les invasions barbares (Denys Arcand), interprétés par Marie-Josée Croze. Celle-ci a été attirée par cet être texturé.

«C'est rare d'avoir un personnage féminin au parcours aussi dense, aussi complexe, aussi étonnant, dit-elle. Ça m'a frappée. Chaque jour, on découvre ce personnage dans sa complexité.» Elle fait remarquer avec justesse que certaines personnes choisissent un métier pour éviter de se retrouver du côté obscur. Mary est de cette étoffe.

Sur le plateau, on s'amuse. Amigonera n'étant pas rigide dans sa direction d'acteur, Marie-Josée Croze sent qu'il y a assez d'oxygène autour de Mary pour y découvrir des traits de caractère absents au départ. «Santiago me laisse beaucoup explorer, dit-elle. Il y a des émotions, des scènes que j'avais imaginées et il se passe complètement autre chose au moment de tourner. C'est bien, c'est joyeux, c'est la liberté.»