Repérée à 19 ans par Bertolucci pour figurer au côté de Marlon Brando dans Last Tango in Paris, Maria Schneider, décédée jeudi à l'âge de 58 ans, a passé le reste de sa vie à tourner la page.

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Née en 1952 d'une mère mannequin d'origine roumaine dont elle a pris le patronyme et de l'acteur Daniel Gélin, qui n'a fait que la croiser sans jamais la reconnaître, Maria Schneider est décédée jeudi matin à Paris «des suites d'une longue maladie», selon la formule choisie par la famille.

Le visage encadré de boucles folles et le corps, célèbre, noyé dans des pulls trop grands et des jeans rapiécés, la jeune fille à la voix rauque qu'elle était en 1972 entre les mains de Brando et sous l'oeil de Bernardo Bertolucci s'est retrouvée figée en icône de la révolution sexuelle. Et prisonnière, pour longtemps, du scandale qu'elle avait déclenché.

Au point d'en faire oublier son passage de garçonne dans Profession reporter de Michelangelo Antonioni avec Jack Nicholson et ses traversées cinématographique en compagnie de Jacques Rivette (Merry Go-Round), Luigi Comencini (L'imposteur), René Clément (La baby-sitter), Werner Schroeter, Philippe Garrel, Daniel Duval (La dérobade), Enki Bilal ou Josiane Balasko, la dernière à l'avoir appelée sur un plateau pour Cliente en 2009.

Elle se cherche, peint un peu, vient de passer deux ans chez Brigitte Bardot qui l'hébergeait quand elle passe les essais pour Last Tango: c'est en voyant une photo d'elle avec Dominique Sanda que Bertolucci eut l'idée de la confronter à Brando qui sort tout juste du Parrain.

C'est ainsi que Maria fait ses débuts au cinéma, dans le rôle de Jeanne, une jeune fille qui vit une passion torride de quelques jours avec un veuf américain de passage à Paris, dans un appartement proche du pont de Bir-Hakeim.

Un huis-clos cru et nu avec vue sur la Seine et un troisième protagoniste, une tablette de beurre, qui assura la réputation sulfureuse du film.

Selon elle, ni Brando ni le metteur en scène ne l'avaient prévenue de l'usage du beurre - destiné à faciliter une scène de sodomie qui l'a traumatisée.

«J'étais jeune, innocente, je ne comprenais pas ce que je faisais. Aujourd'hui, je refuserais. Tout ce tapage autour de moi m'a déboussolée», confiait-elle dix ans plus tard.

Elle avouait alors avoir «perdu sept ans de (sa) vie» entre cocaïne, héroïne et dégoût de soi. À repousser des rôles directement inspirés de celui de Jeanne.

Plus tard, l'actrice, ayant enfin pris ses distances avec les rigueurs d'une célébrité trop rapide et trop tapageuse, admettait: «Maintenant cette histoire fait partie de ma vie, ce film m'a apporté une reconnaissance internationale et je ne l'oublierai pas».

En 2001, alors qu'un hommage lui était rendu par le Festival du film de femmes, à Créteil (près de Paris), Maria Schneider, féministe engagée, confiait au quotidien Libération avoir revu Last Tango deux ans auparavant et l'avoir trouvé daté.

Elle assurait aussi, ultime règlement de comptes, que «Marlon Brando avait réalisé une large partie de la mise en scène, dictant à un Bertolucci soumis ce qu'il devait faire».

Maria Schneider regrettait surtout l'absence de beaux rôles féminins, passée la quarantaine: «Les hommes ont un choix qu'on ne donne pas aux femmes», estimait-elle.

Saluant sa mémoire, le ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand a prédit qu'elle resterait «une image singulièrement forte de la femme d'aujourd'hui». «L'un de ces relais vivants et tangibles de la liberté des femmes toujours à reconquérir».