Channing Tatum et Jamie Bell ont percé au cinéma en dansant. Le premier dans Step Up et le deuxième, dans Billy Elliot. Dans The Eagle, de Kevin Macdonald, ils se livrent à un autre genre de chorégraphie. Ils sont respectivement légionnaire et esclave, unis dans une quête en sombres territoires. Rencontres.

«Braveheart et Gladiator sont mes Star Wars. Et 300, l’un de mes films préférés. Faire partie de The Eagle, c’est un rêve», a résumé Channing Tatum lors de rencontres de presse tenues à Los Angeles.

La star de G.I. Joe et de Dear John tient, aux côtés de Jamie Bell, l’un des rôles principaux de ce drame épique réalisé par l’Écossais Kevin Macdonald. Qui, lui, était prêt pour l’aventure depuis « l’âge de 12 ans, quand j’ai lu le roman».

Car à l’origine de ce long métrage se trouve The Eagle of the Ninth, que Rosemary Sutcliff a écrit en 1954 et qui s’inspire de la disparition, en l’an 120, de la 9e légion romaine.

Cantonnés au nord de l’Angleterre, les 5000 hommes qui la composaient se seraient mystérieusement évaporés. Ont-ils péri aux mains des tribus rebelles qui peuplaient la Calédonie (aujourd’hui l’Écosse)? Chose certaine, c’est à cette époque que l’empereur Hadrien a fait construire un mur en ces lieux, frontière tangible entre son Empire et ces terres qu’il ne parvenait pas à conquérir.

La honte et la mort

La romancière a brodé sur cette théorie (l’autre, moins inspirante, veut que les troupes aient été mutées en Allemagne), imaginant qu’un certain Marcus Aquila (Channing Tatum) ait franchi le mur en compagnie d’un esclave breton, Esca (Jamie Bell), afin de retrouver l’aigle doré qui symbolisait la légion menée par son père.

«La raison de vivre de Marcus est d’être le meilleur soldat possible – entre autres pour faire oublier la honte qui pèse sur sa famille depuis la disparition de son père. Mais il a été grièvement blessé au combat et ne pourra jamais redevenir le guerrier qu’il était. Quant à Esca, il est l’esclave de ceux qui ont massacré sa famille. Il vit au quotidien avec les remords de ne pas être mort avec ceux qu’il aimait», explique le réalisateur.

La honte et la mort, partout. Pour effacer la première et, peut-être, trouver la seconde, ils franchissent le mur d’Hadrien et s’enfoncent dans ces terres où rôde le danger. Ils auront à se battre, l’un contre l’autre – après tout, l’esclave et le maître ne sont pas du même «clan» – puis l’un avec l’autre. «Au départ, ils se détestent. Mais ils vont apprendre quelque chose d’une grande valeur: ton ennemi le plus proche peut être ton ami, et ton ami le plus proche peut être ton ennemi», indique Jamie Bell, que l’on a découvert dans Billy Elliot et qui incarnera Tintin dans le film en images de synthèse que préparent Steven Spielberg et Peter Jackson.

Pour démontrer à quel point les deux hommes sont différents au départ, Kevin Macdonald voulait des acteurs au physique dissemblable: «Channing a incarné des soldats à quelques reprises à l’écran, il est imposant et il possède cette assurance des conquérants. Jamie est plus petit, il est rapide – quand il parle et quand il se déplace.»

Et puis, le premier est Américain et le second, Anglais. Ce qui convenait parfaitement au réalisateur: «Traditionnellement, au cinéma, les Romains sont incarnés par des Britanniques et les Bretons, par des Américains. Cela s’explique par le fait que, lorsque les premiers films de ce genre ont été faits, la Grande-Bretagne était un joueur majeur sur l’échiquier mondial, comme les Romains dans leur temps. De nos jours, ce joueur puissant est incarné par les États-Unis. En inversant les nationalités des acteurs, je voulais tracer un parallèle entre l’impérialisme romain d’alors et la suprématie militaire des Américains aujourd’hui.»

Histoire de survie

Pour raconter cette histoire de survie, Kevin Macdonald et ses troupes se sont entre autres établis dans les Highlands écossais. L’an dernier, en janvier et en février. «C’était tellement froid que j’ai cru que j’allais mourir. Sérieusement », affirme Jamie Bell, faisant référence à une scène où Esca secourt Marcus, dans l’eau. «J’ai fait deux prises et, par la suite, j’ai cédé ma place à ma doublure... qui me fait bien paraître – alors, c’est parfait. Mais Channing l’a faite huit ou neuf fois.»

Subissant une mésaventure qui a fait bien des gorges chaudes (!) quand elle s’est produite. Pour se réchauffer entre deux prises, les acteurs versaient un mélange d’eau bouillante et d’eau fraîche sur leur costume. Sauf que quelqu’un aurait oublié l’étape du refroidissement avant d’asperger Channing Tatum. Qui s’est ainsi ébouillanté les parties intimes de son anatomie. «Ma mère tient depuis toujours le registre de mes cicatrices et de mes blessures. Disons que je ne lui ai pas envoyé de photo de celle-là.» Et il en rit – car, assure-t-il, les dommages n’ont pas été permanents. Soulagement dans les rangs des fans de l’ex-mannequin...

The Eagle (L’aigle de la 9e légion) est à l’affiche depuis vendredi. Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Alliance Vivafilm.