Une victoire aux Oscars, dimanche soir à Hollywood, aura un petit goût de revanche pour plusieurs films, beaucoup d’entre eux ayant failli ne jamais voir le jour, faute de financement.

«Investir dans un film indépendant est généralement très risqué et toute personne à peu près saine d’esprit préfère s’abstenir», déclare à l’AFP Jeffrey Levy-Hinte, qui a porté à bout de bras The Kids Are All Right de Lisa Cholodenko, à travers sa société de production Antidote.

Le film est l’un des dix à concourir pour l’Oscar du meilleur film. Et parmi les heureux élus, au moins la moitié ont été à deux doigts de jamais connaître les salles obscures, à commencer par le favori The King's Speech, qui ne doit son existence qu’au coup de foudre des frères Weinstein pour le scénario.

Idem pour The Fighter, lâché par la Paramount, ses acteurs et son réalisateur, jusqu’à l’arrivée in extremis de Relativity Media, qui a sauvé le projet en mettant sur la table les 25 millions $ nécessaires.

«Le financement de The Kids Are All Right a été long et tortueux», se souvient Jeffrey Levy-Hinte. «Plusieurs studios étaient intéressés mais au final, aucun n’a donné son feu vert au projet. En 2005, le film est finalement entré en production, mais notre financement s’est évaporé».

En bout de course, c’est une douzaine d’investisseurs qui ont apporté l’argent nécessaire pour tourner cette histoire d’un couple de lesbiennes bouleversé par l’irruption du père biologique de leurs deux enfants.

Le producteur reconnaît que sans la distribution -- Julianne Moore, Annette Bening et Mark Ruffalo - le film n’aurait jamais pu être financé. «Mais même avec cette formidable distribution, nous n’avons pu récolter que 5 millions $» - un tout petit budget, même pour un film indépendant.

Du coup, il a fallu tourner le film en 23 jours. Et si «la qualité de jeu des acteurs n’a jamais été compromise, nous n’avons pas pu nous offrir le luxe d’une approche cinématographique plus ambitieuse», observe-t-il.

Black Swan et sa tête d’affiche Natalie Portman n’ont pas été mieux lotis. «Nous pensions avoir un accord ferme mais on nous a fait défaut à la dernière minute», se souvient le producteur Mike Medavoy. «Comme toujours avec ce genre de films, il est très difficile de trouver l’argent», déclare-t-il à l’AFP.

Et la présence derrière la caméra de Darren Aronofsky, pourtant auréolé du succès de The Wrestler avec Mickey Rourke, n’a pas spécialement aidé.

«Personne ne pensait que Darren allait faire un film qui rapporterait 205 millions $ (à ce jour, ndlr). Aucune personne sensée ne pouvait prévoir ça», affirme le producteur.

C’est finalement la société Cross Creek Pictures qui a permis de boucler le budget. «J’ai pratiquement renoncé à tout salaire pour que le film se fasse», dit M. Medavoy, en précisant qu’il récupérerait sa mise «en bout de course».

Selon lui, les films aux budgets intermédiaires - autour de 20 millions $ - «sont plus difficiles à financer car on doit beaucoup dépenser en publicité en en marketing», environ dix fois le budget de fabrication. «C’est aussi difficile que de passer le fil dans le chas d’une aiguille».

Pour Jeffrey Levy-Hinte, «chaque année il semble plus difficile de trouver des financements. Ceci dit, ça ne m’intéresse pas de porter des projets formatés pour les investisseurs. Mes films ne seront donc sans doute jamais faciles à financer», reconnaît-il.

Un avis partagé par M. Medavoy. «C’est mon 214e film, et ça n’a jamais été facile. Et si vous regardez les films qui ont gagné aux Oscars, Amadeus, Platoon, Rocky, Vol au-dessus d’un nid de coucous... ce sont tous des films difficiles».