La catégorie du meilleur film en langue étrangère étant ouverte seulement aux films utilisant principalement une autre langue que l’anglais, le Canada participe à la course en soumettant régulièrement – à quelques exceptions près – des films québécois.

Incendies est le cinquième film canadien retenu finaliste dans cette catégorie. Trois des précédentes nominations sont dues à un seul homme: Denys Arcand. Water, film de Deepa Mehta tourné en langue hindi, avait obtenu la quatrième. Revoyons un peu comment le tout s’est déroulé précédemment.

1987
Le déclin de l’empire américain de Denys Arcand devient le tout premier film canadien à obtenir une nomination dans la catégorie. Les autres films sélectionnés sont The Assault de Fons Rademakers (Pays-Bas), Mon cher petit village de Jiri Menzel (Tchécoslovaquie), 37,2 degrés le matin de Jean-Jacques Beinex (France) et ‘38 de Wolfgang Glück (Autriche). L’Oscar a été remis à The Assault, drame de guerre qui n’est pas passé à l’histoire…

1990
Jésus de Montréal, qui a valu à Denys Arcand un prix du jury au Festival de Cannes, est retenu parmi les cinq finalistes. Les quatre autres candidats: Camille Claudel de Bruno Nuytten (France), Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore (Italie), Waltzing Regitze de Kaspar Rostrup (Danemark) et What Happened to Santiago de Jacobo Morales (Porto Rico). Les académiciens ont plébiscité le favori de tous: Cinéma Paradiso, lauréat d’un Grand Prix spécial du jury à Cannes.

2004
Les invasions barbares, film dans lequel on retrouve les personnages du Déclin de l’empire américain, assure à Denys Arcand une troisième invitation au grand bal. Les autres invités: Evil de Mikael Hafström (Suède), The Twilight Samurai de Yôji Yamada (Japon), Twin Sisters de Ben Sombogaart (Pays-Bas) et Zelary d’Ondrej Trojan (République tchèque). Denys Arcand a marqué l’histoire en devenant le premier cinéaste québécois – et canadien – à décrocher l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.

2007
Water, film tourné en langue hindi, permet au Canada d’obtenir sa quatrième nomination dans la catégorie. Ont aussi été cités: After the Wedding de Susanne Bier (Danemark), Indigènes de Rachid Bouchareb (Algérie), La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck (Allemagne) et Le labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro (Mexique). Toutes les candidatures étaient très fortes mais La vie des autres, film exceptionnel, a finalement obtenu la plus haute distinction.

2011
Incendies doit cette année faire face à In A Better World de Susanne Bier (Danemark) et à Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (Algérie), deux films réalisés par des cinéastes déjà cités en 2007. Biutiful d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (Mexique) de même que Dogtooth de Yorgos Lanthimos (Grèce) ont aussi été retenus. Sur papier, les trois candidatures les plus solides sont Biutiful, In a Better World et Incendies. Le film de Denis Villeneuve étant très en phase avec l’actualité du Moyen-Orient, peut-être bénéficie-t-il même maintenant d’une petite longueur d’avance sur ses concurrents. Qui sait?

Les interprètes du film Incendies

Maxime Gaudette

«Travailler avec Denis...c'est vibrant.»

«Je vais être nerveux le 27. Je n’écoute pas toujours la soirée des Oscars mais là, ça va être spécial. Je suis honoré que Denis m’ait fait confiance. Je sais qu’il s’entoure de gens en qui il croit et je suis fier d’en faire partie. C’est pour ça que j’assume un peu du mérite de cette nomination: j’ai fait ma part comme tant d’autres personnes sur l’équipe et on a tous l’impression d’avoir fait notre bout pour créer un excellent film.

«Juste le fait d’être nommé aux Oscars, c’est énorme: je suis très fier pour Denis. On a tous bien travaillé pour faire un excellent film et on a dû réussir parce que la réponse est vraiment bonne de la part du public. La pièce de Wajdi était extraordinaire, mais Denis a réussi à transposer ce langage-là en écriture cinématographique et ce n’était vraiment pas évident. Il y avait tellement de dialogues dans la pièce et lui a transformé ça avec très peu de dialogues et, pourtant, ça vient nous chercher. Différemment, mais d’une manière aussi puissante.

«Travailler pour Denis Villeneuve? Pour moi, c’est n’importe quand. Travailler avec quelqu’un qui maîtrise aussi bien son art, qui est aussi passionné que Denis, c’est vraiment vibrant pour un artiste.

«Le personnage de Simon que j’interprète est très sobre mais ça montre bien tout un côté de mon art. C’était un personnage complexe dont il fallait montrer l’évolution malgré le peu de scènes dont je disposais pour le faire. Je me suis dit: "Fais confiance à Denis" et il a encore démontré un excellent jugement. Il connaît bien le langage cinématographique et il utilise bien l’image de façon à créer un équilibre entre des dialogues minimaux et des images expressives.

«Il a confiance en moi et c’est réciproque. Je me sens en confiance avec lui. Je n’ai pas peur de me tromper avec lui. Je n’ai qu’à me lancer. C’est ça, la compréhension.»

Mélissa Désormeaux-Poulin

«Il pose un regard très respectueux sur la femme.»

Comme d’autres interprètes d’Incendies, Mélissa Désormeaux-Poulin a encore de la difficulté à réaliser ce qui arrive. «C’est fantastique, clame-t-elle. Petite, je ne rêvais même pas d’aller aux Oscars! Mon rêve, c’était d’avoir de grands rôles et ça, ça s’est réalisé avec Incendies. Je ne me fais pas d’attente pour l’Oscar parce que je ne veux pas être déçue.»

Pour elle, aucun doute que son rôle de Jeanne sera une expérience marquante dans sa carrière. «J’avais une idée de ce que je voulais, mais le résultat que j’ai vu à l’écran était différent et bien meilleur. Je le dois beaucoup à Denis qui me ramenait constamment à ce que lui voulait. Je l’ai trouvé hyper généreux. Je trouve qu’il fait du cinéma pour les bonnes raisons: il a envie de raconter des histoires. Il m’a entraînée dans sa vision.

«J’ai aimé le regard qu’il pose sur la femme: il est très respectueux. C’est tellement ce regard-là qu’on veut sentir comme comédienne. Ça nous permet d’être entièrement là dans les scènes qu’on tourne parce qu’il favorise l’abandon.»

Pour la bande des interprètes du film, il devrait y avoir une réunion pour un visionnement en groupe de la soirée des Oscars, histoire de fêter, quel que soit le destin du film. «À Denis, je souhaite surtout qu’il retrouve le temps pour écrire parce que je sais que c’est ce qu’il apprécie le plus. Je sais que tout le monde va se l’arracher et que lui a le goût de raconter d’autres histoires.»

-Avec Le Nouvelliste