Juliette Binoche est la tête d'affiche du premier film que tourne le cinéaste iranien Abbas Kiarostami en Europe. Dans Copie conforme, la plus internationale des actrices françaises se glisse dans la peau d'une femme en quête d'amour à l'intérieur d'un couple, réel ou inventé.

Copie conforme fait partie de ces oeuvres dans lesquelles il est impossible de départager le vrai du faux. Pour son premier film européen, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami (Le goût de la cerise) décrit le questionnement de deux êtres dont on ne saura jamais s'ils forment véritablement un couple.

«C'est justement ce qui suscite l'intérêt, a expliqué Juliette Binoche au cours d'une rencontre de presse tenue récemment à Paris. Abbas est un cinéaste qui filme au plus près de la nature humaine. Chacun peut interpréter le récit à sa façon. Du coup, il révèle quelque chose de l'univers féminin à travers cette histoire.»

Comptant pour l'essentiel deux personnages principaux, Copie conforme relate une journée dans la vie d'un «nouveau» couple, formé à la faveur d'une conférence donnée par un auteur anglais (William Shimell) à Florence. Une galeriste française (Juliette Binoche), installée en Italie, propose au conférencier une escapade à Lucignano, petit village où les amoureux se rendent souvent pour convoler en justes noces, car l'endroit est réputé «chanceux».

Un jeu s'installe entre la femme sans nom et l'auteur quand il accepte de s'inventer - ou pas - un passé commun avec sa partenaire de voyage.

Un rôle sur mesure

Écrit spécifiquement pour Juliette Binoche, Copie conforme a pris la forme d'un jeu avant l'écriture de la moindre ligne de scénario.

Au cours d'une rencontre informelle, Abbas Kiarostami a en effet raconté sans arrière-pensée cette histoire à l'actrice en lui précisant qu'il s'agissait - peut-être - d'un récit autobiographique. Dont il pourrait être l'un ou l'autre des protagonistes.

Enthousiasmée, la plus internationale des actrices françaises a encouragé l'auteur cinéaste à en faire un film. L'idée s'est révélée lumineuse. Juliette Binoche a en effet obtenu l'an dernier le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes grâce à ce rôle.

«Mon personnage est toujours en quête du regard de l'autre, fait-elle remarquer. La solitude se vit de façon différente chez une femme je crois, surtout quand elle atteint un âge plus mûr. Abbas fait bien écho à cette réalité en plaçant cette galeriste dans des scènes où, même en compagnie de quelqu'un, elle doit confronter sa propre solitude. À vrai dire, Copie conforme est à mon sens le portrait d'une femme en crise. Et à travers elle, c'est la crise de la part féminine du monde qui est évoquée. Que ce regard soit posé par un Iranien rend l'exercice d'autant plus signifiant à mes yeux.»

Solidarité prudente

Lors de la conférence de presse tenue à Cannes l'an dernier, une vive émotion s'était emparée des festivaliers en marge d'une grève de la faim qu'avait alors entamée Jafar Panahi, un ancien assistant de Kiarostami, en Iran. On sait que Panahi, cinéaste reconnu dans le monde entier, est aujourd'hui sous le joug d'une interdiction de tourner pendant 20 ans dans son pays.

Souvent appelée à se prononcer publiquement sur le sujet, Juliette Binoche préfère user de prudence.

«Bien sûr, nous sommes spontanément portés à prendre la parole pour dénoncer les injustices, déclare-t-elle. À Cannes, nous avions ressenti un élan de solidarité très fort envers Jafar et, du même coup, tous ceux qu'on ostracise pour leurs idées. Cela dit, il faut quand même faire preuve de mesure, car ce qu'on dit sur la place publique peut parfois se retourner contre les personnes qu'on veut défendre. Mais la communauté artistique est mobilisée, bien sûr.»

Une année bien chargée

Lauréate d'un Oscar en 1997 pour sa performance dans The English Patient, Juliette Binoche est à même d'être confrontée aux idées préconçues à l'égard des actrices françaises à l'étranger. «On attend habituellement d'elles qu'elles soient raffinées, cultivées et sexuellement libérées. C'est à peu près ça! lance-t-elle avec un large sourire. Je ne sais pas du tout si je corresponds à cette image. Mes choix sont avant tout motivés par la nature des projets et par les personnes qui les encadrent.

«J'aurais évidemment adoré travailler avec Steven Spielberg, mais, au moment où il m'a proposé un rôle dans Jurassic Park, Krzysztof Kieslowski m'offrait Bleu. En tant qu'actrice, le rôle de Bleu me semblait beaucoup plus riche. J'ai le privilège de pouvoir choisir les films dans lesquels je joue, peu importe leur résonance commerciale. J'accepte certains contrats publicitaires afin d'avoir accès à cette liberté de choix.»

L'année s'annonce d'ailleurs très chargée pour l'actrice. Après le tournage de La vie d'une autre, première réalisation de la comédienne Sylvie Testud dans laquelle joueront aussi Mathieu Kassovitz et Aure Atika, Juliette Binoche ira rejoindre le plateau d'Après mai, sorte de fresque d'après-Mai 68 que réalisera Olivier Assayas. En principe, l'actrice devrait aussi tenir un rôle dans le prochain film de Bruno Dumont (Flandres).

De surcroît, 2011 marquera aussi son retour sur les planches. Après plus de 10 ans d'absence au théâtre, Juliette Binoche sera à l'affiche de Mademoiselle Julie de Strindberg, mise en scène par Frédéric Fisbach, dans le cadre du prochain Festival d'Avignon.

«August Strindberg est le père d'Ingmar Bergman et le grand-père de Michael Haneke!» conclut-elle en éclatant de rire.

Copie conforme prend l'affiche le 18 mars. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.