En devenant le personnage de L'Kid, portier utilisant à la fois sa force mentale et physique pour maîtriser des individus louches dans le film BumRush de Michel Jetté, le comédien Emmanuel Auger savait très bien dans quoi il s'embarquait.

Car non seulement Auger a-t-il longtemps été barman dans la vraie vie, mais il a même été propriétaire d'un club à Laval et a souvent été témoin de sévères bagarres. Des coups de couteau, des coups de bouteille à la tête, des coups de poing, il a tout vu.

«En raison de ma position et de mon physique, j'ai eu à intervenir, dit-il en entrevue à La Presse. Des fois, les doormen (portiers) sont débordés. Quand il y a deux gangs qui s'affrontent et qu'il n'y a que quatre portiers pour les séparer, il faut s'en mêler.»

Auger est convaincu que des portiers psychologues comme L'Kid agissent dans le milieu. «Ils sont minoritaires, mais ils existent, dit-il. Ce sont de grands stratèges, toujours en contrôle. Moi, je suis un gars qui aime bien jouer «physique». Je gesticule beaucoup. Alors que dans le film, je dois être en contrôle tout le temps. Il a fallu que je développe ce réflexe d'un gars qui est très «poker face»».

Un bum, plusieurs versions

Les bras couverts de tatous, les mains qui se resserrent sur vous comme des étaux, Emmanuel Auger a pourtant le sourire d'un enfant; il est généreux de ses commentaires et gentil comme tout.

«Une des choses que j'aime de lui est qu'il n'embarque jamais dans le vedettariat, dit Michel Jetté. Durant le tournage de BumRush, plusieurs comédiens étaient des gens sans expérience, qui venaient de la rue. Emmanuel les a beaucoup encadrés.»

Né à Bois-des-Filion où il demeure toujours avec sa famille (il a deux enfants), proche de ses parents qu'il adore, amoureux assumé de sports de contact, le comédien pourrait jouer un dur toute sa vie qu'il ne s'en formaliserait pas. Lui qui incarne le redoutable Pétel dans Lance et compte sait reconnaître sa chance de travailler.

«Un jour, Robin Aubert (réalisateur du film À l'origine d'un cri) m'a dit qu'il n'y a pas de honte à toujours avoir un rôle de bum; il suffit de ne jamais être le même. Et je crois que mes personnages sont très différents d'un projet à l'autre.»

Ayant un neveu autiste, Auger aimerait bien un jour incarner une personne souffrant de cette maladie. Mais pas nécessairement à la Rain Man. «Rain Man, c'est toujours la référence, dit-il. Bien sûr, c'est une performance d'acteur (Dustin Hoffman) incroyable, mais c'est une mauvaise vision de l'autisme. C'est une seule catégorie d'autisme.»

Chez Deano Clavet

Auger sortait tout juste de ses études en théâtre au collège Lionel-Groulx lorsqu'il a entendu parler du projet de film Hochelaga de Michel Jetté. Mais la distribution était complétée. Il s'est repris lorsqu'il a appris que Jetté tournait Histoire de Pen sorti en 2002.

Pour s'y préparer, Emmanuel Auger s'est mis à s'entraîner ardemment au gymnase de l'ancien boxeur Deano Clavet. Ce dernier, qui est aussi comédien, l'a tout de suite remarqué et en a parlé à Jetté. «Michel était trop pris dans son scénario d'Histoire de Pen pour prêter une grande attention, se rappelle Auger. Mais un jour, par hasard, il est venu au gym de Deano alors que je m'entraînais.»

Le reste, comme le dit l'expression, c'est de l'histoire. Emmanuel Auger est devenu Claude Levasseur, personnage principal d'Histoire de Pen. Et maintenant, L'Kid dans BumRush.

«Dès le départ, j'ai découvert que ce gars avait un potentiel magnifique, dit Michel Jetté. C'est un naturel. Sa voix de rocker est coulante. Il a toute la capacité à faire passer ses personnages avec un naturel incroyable et il est d'une grande rigueur.»

«Je suivrai Michel partout où il ira, assure Auger. De tous les gens avec qui j'ai travaillé, il est de loin la personne que je respecte le plus en raison de son talent, de sa générosité, de sa gentillesse et de son écriture.»

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BumRush prend l'affiche le 1er avril.