Le réalisateur Joe Wright et la jeune Saoirse Ronan, qui ont travaillé ensemble sur Atonement, refont équipe pour Hanna. Un thriller aux relents de conte qui aurait mal tourné. Rencontres.

«Je suis étonné quand on me parle de la beauté des images de mes films - parce que je ne pense pas que visuellement, je pense cinématographiquement», a indiqué le réalisateur Joe Wright lors de rencontres de presse tenues à Los Angeles à quelques jours de la sortie d'Hanna. Hanna qui est son nouveau film, après les très beaux et très léchés Atonement, Pride & Prejudice et The Solist. Il revient ici avec un thriller qui n'est pas qu'un thriller - parce qu'il en est à la barre. «Je ne suis pas un cinéaste de genre. Je n'ai pas pensé suspense, espionnage et action en lisant ce scénario. J'ai vu une intrigue et des personnages que j'avais envie de raconter.» En images, oui, bien sûr; mais pas qu'en images: «L'importance du son est souvent sous-estimée ou ignorée», regrette celui qui travaille beaucoup cette facette et qui a confié la trame sonore du film à The Chemical Brothers.

Hanna, c'est l'histoire d'une adolescente (Saoirse Ronan) élevée par son père, Erik (Eric Bana), ancien agent de la CIA, dans une forêt du nord de la Finlande. Ils sont seuls, elle et lui. Il l'éduque, l'entraîne à chasser, à se battre. À survivre. À 16 ans, Hanna possède un savoir encyclopédique et est l'assassin parfait. Pas d'émotion, pas de conscience chez cette «arme fatale». Parce que tout ce qu'elle sait n'est pas incarné, n'a pas été coloré ou «corrompu» par la vie en société. Jusqu'au jour où le danger point à l'horizon. Une femme avec qui le père d'Hanna a travaillé autrefois, Marissa Wiegler (Cate Blanchett), est prête à tout pour capturer l'adolescente.

Commence alors une traque implacable qui passera par les sommets enneigés de la Bulgarie et le désert marocain, avec un détour «civilisé» par Berlin. C'est la petite fille qui quitte le coeur de la forêt où elle vivait en sécurité, pour s'enfoncer dans un monde inconnu dont elle ne connaît pas les règles et où rôde le danger.

«Le conte était inhérent à la structure de cette histoire, il était implicite dans le scénario, je l'ai rendu plus explicite», explique Joe Wright. Le livre de contes des frères Grimm qui côtoie les encyclopédies dans la maison du fond des bois. Les manières d'Erik, son physique, son entêtement - Eric Bana se fait ici bûcheron protecteur. L'attitude prédatrice de Marissa, la piste qu'elle suit sans relâche et à tout prix, la proie qu'elle n'abandonne pas, Cate Blanchett est une manière de «grand méchant loup». Ou une marâtre qui nous la joue fée-marraine, ne leurrant personne très longtemps.

«J'ai grandi avec ces histoires, elles font partie de moi», poursuit le cinéaste avant de rappeler que si le complexe d'Oedipe est souvent exploité en fiction contemporaine, le matricide est une notion plus ancienne qui, elle, hantait les contes avant qu'ils ne soient édulcorés. La sorcière, ici. La méchante belle-mère, là. Et, en guise de proie gagnant la partie après avoir traversé moult épreuves, des petits chaperons rouges, Blanche-Neige et autres Cendrillon.

«Le scénario était fort au départ, mais l'interprétation qu'en a faite John l'amène à un autre niveau. Nous ne sommes plus dans un thriller conventionnel, mais dans un conte de fées qui déraille», assure Eric Bana, qui tourne en ce moment Blackbird de Stefan Ruzowitzky à Montréal, aux côtés d'Olivia Wilde et de Sissy Spacek. Et qui, donc, a souffert du froid sous nos cieux. Ce qui lui a rappelé son passage dans les neiges et les eaux glacées de la Finlande: «Je me souviens avoir demandé à Joe si les gens verraient que nous étions vraiment sur place et non en studio, sur écran vert... pour que nous ne souffrions pas pour rien», rigole-t-il. Il a vu le film et a maintenant la réponse à sa question. Ces images-là, cette atmosphère, le jeu des acteurs transis par le froid, cela ne peut être le fait d'effets spéciaux.

Mais le froid n'était pas le principal défi de l'acteur australien. Devoir se battre à mains nues, lui qui a manié le glaive dans Troy et les armes à feu dans Black Hawk Down, était une difficulté. Devoir exercer ce nouvel art du combat contre Saoirse Ronan en était un autre. Le géant de 1,90 m contre l'adolescente menue... «Elle est minuscule, mais en plus, elle est la star du film. Imaginez les problèmes qu'on aurait eus si je lui avais cassé la mâchoire», s'amuse-t-il.

Ce qui n'est pas arrivé. Car ils sont tous deux des pros, ont appris leurs chorégraphies, se sont entraînés pendant des mois. «Mais le plus difficile pour moi n'a pas été de me battre contre Eric mais de courir sur le lac gelé. Il faisait tellement froid que je pensais m'évanouir. Faire et refaire cette scène, en gardant la même intensité, c'était éprouvant», se souvient Saoirse Ronan qui, dans les moments où elle n'en pouvait plus, se mettait dans la peau d'Hanna - qu'il ne faut pas vendre, comme celle de l'ours, avant de l'avoir tuée: «Quand je courais, je grimpais, je sautais, je pensais à elle et me disais qu'elle, elle n'abandonnerait pas.»

Et Joe Wright, qui a travaillé avec la jeune actrice sur Atonement, de sourire quand on lui relate l'anecdote: «Je crois profondément en Saoirse, je sais qu'elle peut faire tout ce qu'elle veut et cela a quelque chose d'effrayant. La confiance est un talent, l'imagination en est un autre. Elle possède les deux.» Et cela sert Hanna et Hanna à merveille.

Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.

Hanna prend l'affiche le 8 avril.