La conquête de la lune occupe une toute petite place dans Frisson des Collines. Mais c’est une fausse impression.

Dans le temps, dans les images, certes, on s’y réfère durant une ou deux minutes. Mais ce «bond de géant pour l’humanité» ramène à tout ce à quoi rêve chacun des personnages de Sainte-Agasse, village du Québec profond où se déroule l’action.

C’est le comédien Paul Doucet qui nous a mis la puce à l’oreille en lançant: «Frisson des Collines, c’est le désir de l’impossible.» Un impossible qui, parfois, comme dans le cas de la lune, change de camp.

> À lire aussi: Antoine Pilon a fait ses devoirs

> À lire aussi: Échos du plateau

Long métrage à classer dans la catégorie coming of age ou encore feel-good movie, Frisson des Collines raconte l’histoire de quelques habitants du village où le temps s’écoule avec nonchalance, où chacun cultive son jardin secret tout en gardant un regard bienveillant sur l’autre.

C’est l’histoire, bien sûr de Frisson (Antoine Pilon), 12 ans, dont le grand projet est de se rendre à Woodstock pour voir son idole, Jimi Hendrix. Un rêve qui éclatera en mille morceaux avec la mort de son père (Patrice Robitaille).

Résilient, le jeune homme se remettra vite sur pied grâce à la présence de son souriant et indomptable ami biker Tom Faucher (Guillaume Lemay-Thivierge) et de la séduisante institutrice Hélène Paradis (Évelyne Brochu) à qui sont consacrés au moins la moitié de ses battements de cœur.

«C’est un film sur le désir de liberté, explique le réalisateur Richard Roy en entrevue. Mille neuf cent soixante-neuf représente une année majeure, où le monde pensait qu’il pouvait changer le monde. On écrivait «Il est interdit d’interdire» sur les murs de la Sorbonne. Tom Faucher était comme ça. Il veut la liberté, partir, bouffer des kilomètres sur sa moto.»
Frisson a les mêmes désirs mais il est freiné par ses 12 ans. «Il a l’âge de comprendre mais pas de faire, poursuit Roy. Il a besoin d’autorité pour agir. Comme disait François Truffaut, avoir 12 ans est un mauvais moment à passer. Parce qu’on ne peut rien faire.»

Liberté, amitié

Il n’empêche que Frisson a pas mal de libertés. Un peu oublié par sa mère (Anick Lemay) endeuillée jusqu’au cou, il gambade dans le village, à la recherche d’amitiés solides entre deux coups pendables.

«En fait, Frisson a plusieurs pères, remarque Paul Doucet (Docteur). Chacun de nous remplace un peu son père. Tom représente le côté bum, Docteur est le philosophe. Nous sommes ses pères spirituels.»

Évelyne Brochu a été marquée par ces «amitiés inter-générationnelles». «Je pense que nous avons tous, dans nos vies, une figure marquante qui nous inspire et nous donne le goût de vieillir, dit-elle. Ce sont des gens qui ne passent pas leur temps à nous montrer la différence entre le bien et le mal. Enfant, on les regarde et on se dit qu’on peut devenir adulte tout en demeurant cool. Tom Faucher représente cela.»

Comme plusieurs autres membres de la distribution, Évelyne Brochu a pu s’inspirer de l’expérience parentale pour se préparer. «Nos parents nous ont tellement parlé des années 60, dit-elle. Mon père, ma mère, mes oncles et mes tantes, je crois qu’ils ont trippé solide. S’il y a une époque dans l’histoire de l’humanité où j’aurais aimé vivre, surtout comme femme, ce sont les années 60, au Québec.»

Guillaume Lemay-Thivierge exprime la même chose. «En regardant le film, j’ai l’impression d’avoir joué des bouts de la vie de mon père, dit-il. C’est pour cela que je me sens proche de mon personnage. Mon père avait ce look-là. Il avait une moto, c’était un bum poète et il avait toujours un immense besoin de liberté de parole et de pensée.»

«La force du film réside beaucoup dans cette nostalgie de la liberté, dit Antoine Bertrand (Burger). Et aussi dans l’insouciance. On vivait dans une bulle et on n’était pas confronté à rien. L’enfance, c’est la liberté. C’est la simplicité. Les bonheurs, les problèmes, sont simples.»

Richard Roy a largement puisé dans ses souvenirs d’enfance pour écrire son film. Les moutons colorés, c’est vrai. Le grille-pain dans le pupitre, c’est un fait vécu par son frère. «Il y a une sincérité face aux personnages et face à l’époque, dit-il. J’ai aussi été sincère dans la tendresse exprimée envers mes personnages. Mon film a simplement pour but de donner un sourire. C’est comme une main sur une épaule.»