Demandez au réalisateur Guillaume Sylvestre comment réagissent les autochtones au regard que posent sur eux les grands médias blancs et la réponse surgira, cinglante.

«Ils sont en ta..., dit le jeune homme en entrevue téléphonique. Une entreprise autochtone qui ouvre ses portes, ça ne fait pas les manchettes. Mais une barricade dressée sur une route, oui. Les autochtones ont le sentiment que l'image qu'on leur renvoie d'eux ressemble à celle que les Québécois auraient si on filmait une bande de Hells et qu'on leur disait: «Voici ce que vous êtes.»»

Sauvage, plus récent documentaire de Sylvestre, explore une autre facette de la réalité autochtone sans pour autant gommer les coches mal taillées qui existent dans ces communautés.

Sylvestre le dit lui-même: «Comme partout ailleurs, il y a des gens dans les réserves qui se complaisent dans leur misère. Et ailleurs, dans certaines communautés, c'est le tiers-monde, avec des taux d'inceste épouvantables.»

Mais il y a aussi des communautés qui vont bien, qui prospèrent, à la tête desquelles des gens d'affaires et à leur affaire cherchent à mieux faire connaître la réalité des leurs ou simplement à se réaliser.

Sylvestre nous fait ainsi rencontrer Daniel Picard, Huron-Wendat de Wendake, Anne Archambault, grande chef des Malécites, et Sabrina Boivin, Attikamek de Wemotaci. Le premier est producteur et promoteur d'événements autochtones; la seconde voit aux destinées de sa communauté contre vents et marées, et la troisième, jeune fille d'une résilience hallucinante, trime pour décrocher son diplôme d'études secondaires, une première dans son coin de pays.

L'idée de départ est venue de la rencontre entre Sylvestre et Daniel Picard. «On m'avait demandé de le rencontrer parce qu'il avait toutes sortes de projets de productions sur les autochtones, dit Sylvestre, connu pour son documentaire Dur à cuire. Le combat de Daniel est d'expliquer aux gens qui sont les autochtones et le fait qu'ils veulent aussi entrer dans la modernité, que les autochtones, ce ne sont pas juste des barricades et des gens qui sniffent du gaz. Partout où je suis allé, j'ai retrouvé le même discours. Les autochtones rencontrés nous disent qu'ils ne sont pas des victimes et qu'ils ne disparaîtront pas.»

Personnage principal du film, Daniel Picard fait partie de ceux qui ont connu une enfance malheureuse. Sa vie ne s'est pas arrêtée là. Aujourd'hui, il est ailleurs. «Le personnage, comme beaucoup d'autochtones, a vécu une enfance épouvantable, avec toute l'horreur qu'on peut imaginer, dit le réalisateur. La force de cet homme, c'est sa rage de prouver au monde qu'il peut être digne. C'est ça, le thème du film.»

Éducation et technologie

Cette volonté très claire des autochtones de s'affirmer et de changer une fois pour toutes la perception qu'on peut avoir d'eux s'exprime particulièrement chez les jeunes.

«Avec l'éducation, les choses sont en train de changer, affirme Sylvestre. On assiste à l'arrivée d'une nouvelle génération qui commence à être plus éduquée.»

Et comment cela est-il survenu? Entre autres par l'implantation des nouvelles technologies. «Jusqu'à maintenant, certains endroits demeuraient très isolés. Avec l'arrivée des technologies et de l'internet, il y a cette ouverture sur le monde qui était inexistante auparavant, indique le cinéaste. Les autochtones veulent aller voir ailleurs. Ils se rendent compte que la réserve, ce n'est pas tout.»

Ce qui ne les empêche pas de demeurer près de ce qu'ils sont et des éléments. C'est à cela que renvoie le titre du film: Sauvage. «Dans plusieurs communautés, les gens se définissent comme sauvages. Pas dans le sens péjoratif, mais dans le sens qu'ils sont proches de la nature, dit Sylvestre. C'est le côté poétique de la chose et c'est un thème qui est revenu au fil de mes rencontres. Les gens se définissaient comme sauvages. Peut-être le disaient-ils aussi dans le sens d'indomptables.»

Considérant que le documentaire constitue, au même titre que la fiction, un autre regard sur le monde, Guillaume Sylvestre a d'autres projets de films en tête. «Je souhaite passer un an dans une école secondaire», dit-il.

__________________________________________________________________
Sauvage sera présenté au Cinéma du Parc et au cinéma Le Clap de Québec à partir du 15 avril.