Chaque année, près d'un million de jeunes joueurs de soccer africains sont recrutés par des dépisteurs européens. Mais derrière cette entreprise vertueuse se cache un trafic humain plus ou moins légal. Un documentaire dénonce cette traite des Noirs version moderne.

Tous les jeunes Africains rêvent de devenir Didier Drogba ou Michael Essien. Tous rêvent de jouer un jour pour les grands clubs de foot européens, comme leurs idoles. Mais les élus sont rares et les désillusions nombreuses.

Pour un conte de fées, on compte mille histoires tragiques. Et celle que raconte Black Diamond - qui sera présenté ce soir à Vues d'Afrique - est peut-être la plus tragique d'entre toutes. Entre l'enquête et le documentaire, ce film de la Française Pascale Lamche lève le voile sur l'étonnant trafic humain qui se pratique en Afrique de l'Ouest, autour des jeunes prodiges du ballon rond.

Pris en charge par des organisations douteuses qui leur font miroiter un avenir glorieux, ils sont victimes d'un système frauduleux, dont le seul objectif est de nourrir l'industrie du foot mondialisé (les grands clubs à la recherche de nouveaux talents). Si certains réussissent, la plupart se retrouvent ruinés et abandonnés au bord du chemin, avec des espoirs en miettes.

Sujet hautement complexe, admet la réalisatrice, en soulignant le flou légal qui relie souvent le «monde des affaires et le gangstérisme». D'autant plus complexe que rien n'est complètement noir ou blanc dans cette histoire, où les victimes sont globalement consentantes, à défaut d'être bien informées. D'ailleurs, même informées, sans doute seraient-elles quand même consentantes, considérant l'incroyable bouée de secours que représente à leurs yeux cette apparence d'occasion favorable. Le foot représente souvent la seule issue possible.

Exploiter le désespoir

Mais c'est justement «l'exploitation de cet immense désespoir à des fins mercantiles» qu'a voulu dénoncer la réalisatrice. Une exploitation qui se fait avec le concours des élites et du pouvoir économique, sans même l'ombre d'un programme éducatif pour accompagner le tout.

Dans son documentaire, Mme Lamche vise principalement l'organisation ASPIRE, qui se spécialise dans le recrutement de jeunes joueurs africains de moins de 18 ans. Fondée par un ancien footballeur espagnol, cette entreprise «teste» chaque année près de 700 000 jeunes d'une quinzaine de pays, des jeunes qui ont payé une fortune - parfois toutes les économies familiales - pour faire partie de cette aventure pleine de promesses. Officiellement, le but d'ASPIRE est de trouver de nouveaux footballeurs pour des équipes du Qatar. Dans les faits, l'organisation rabat les plus grands talents à des clubs de première division espagnole.

«Sept cent mille enfants! Qu'est-ce que c'est, sinon un énorme business? Il y a là une folie des grandeurs quasiment industrielle. Une volonté de conquérir le monde en utilisant des êtres humains comme si c'était du café», souligne la réalisatrice, en comparant le tout à une traite des Noirs version moderne.

ASPIRE n'a jamais réagi au film. Égratignée au passage dans Black Diamond, la FIFA semble, de son côté, contrôler mollement ce commerce clandestin. Pour la documentariste, rien ne changera tant que l'Afrique elle-même n'aura pas pris conscience de cette gigantesque arnaque. Considérant la puissance du rêve - encore plus fort depuis la Coupe du monde en Afrique du Sud -, le retour à la réalité n'est pas pour bientôt.

____________________________________________________________________
Black Diamond, l'or des fous, ce soir 18 h 15 au Gesù.