À la tête du plus grand festival du monde, le directeur artistique de Cannes Thierry Frémaux accueille avec une égale prudence critiques acides et satisfecits. «Pour le moment, les gens ont décidé que ça allait être bien», relève-t-il en accueillant l’AFP avant l’ouverture, mercredi.

«La polémique est presque constitutive du Festival de Cannes, mais cette année, c’est sans doute l’un des meilleurs accueils jamais réservés à la sélection officielle (54 films dont 20 en compétition)».

Q : C’est difficile de trouver les bons films?

R : Toujours. Les films choisis doivent vraiment donner le sentiment qu’ils méritent d’être là, parce qu’il y en avait 100 ou 150 qui auraient pu y figurer. Le choix est fait avec l’idée d’être incontestable dans l’absolu, mais aussi en valeur relative, parce qu’il a fallu en laisser d’autres de côté.

Je regrette toujours d’être obligé de choisir, il y a des films qu’on aime et auxquels il a fallu dire non, mais c’est le métier. Par principe, je n’ai pas de regret. Et chaque film, je l’ai choisi.

Q : Quels sont les critères du choix?

R : Le premier c’est la mise en scène: Cannes est un festival de l’art cinématographique et c’est d’abord sur ce point qu’il faut juger un film; ensuite qu’il trouve sa légitimité, qu’on puisse ne pas l’aimer mais reconnaître qu’il méritait d’être là; enfin, même s’il n’y a pas de thématique ou de ligne définie, que la sélection présente à l’arrivée un tableau commun qui dise «voilà ce que c’est que le cinéma en 2011».

Le festival reflète l’état du cinéma. Et en général, l’état du cinéma dit l’état du monde.

Q : Quand on dit d’un film qu’il a été acclamé ou sifflé à «Cannes», de quoi parle-t-on?

R : La première réaction émane de la presse: elle peut «tuer» un film qui sera réhabilité par la salle le soir en projection officielle (avec les professionnels, ndlr). Et parfois c’est le contraire.

Au début, ça me touchait, je pensais que tout le monde aimerait tout, je sollicitais les avis... Plus maintenant, je deviens philosophe.

Q : Cannes, ce sont des films et aussi des stars: en attendez-vous beaucoup?

R : Un jour de Cannes suffirait aux festivals du monde entier pour considérer que c’est réussi. Mais chez nous, ce doit être tous les jours et plusieurs fois par jour. Cannes doit être «The Place to be» pour les grands auteurs, pour des stars de cinéma, ou du rock comme Bono qui vient souvent, ou pour Paris Hilton. Et même si elles ne sont pas sur les marches, elles sont dans les salles, dans les fêtes: ça fait partie de l’ADN du festival.

Q : Comment composez-vous le jury, avec cette année Robert de Niro en président?

R : Les jurés et surtout le président du jury doivent avoir toute légitimité pour évaluer les oeuvres les unes par rapport aux autres. La compétition rassemble les grands artistes de leur époque: il faut leur assurer que le jugement porté sur leur travail sera crédible.

C’est donc difficile de trouver chaque année la bonne personne, tant sont déjà venues... Le choix de Robert de Niro se justifie par sa personnalité, sa carrière - il est l’acteur, le producteur et le metteur en scène qu’on connaît - et en plus il s’implique dans le cinéma en animant le festival de Tribeca (à New York).

On en avait parlé souvent, mais cette fois le calendrier collait.

Q : Le président est-il consulté sur la composition de son jury?

R : Non, on compose un groupe de gens compétents et sympathiques: ils vont vivre ensemble pendant onze jours, il faut qu’ils s’entendent bien - on veille aux inimitiés. Et on fait en sorte que le jury soit majoritairement composé de gens de cinéma: de Olivier Assayas à Uma Thurman cette année, il n’y a qu’à regarder leurs filmographies, ces gens savent ce que c’est que le cinéma...

(Propos recueillis par Anne Chaon)