The Curse of the Black Pearl a fait un tabac - et l'unanimité - à sa sortie, en 2003. Si les deux volets suivants, Dead Man's Chest (2005) et At World's End (2007), ont été moins bien reçus par la critique, ils n'en ont pas moins rencontré un énorme succès public.

La franchise Pirates of the Caribbean est une île au trésor sur laquelle Walt Disney Pictures et le producteur Jerry Bruckheimer ont largué les amarres. Et en direction de laquelle ils organisent un nouveau voyage: On Stranger Tides pourrait bien en être la première des trois escales. Cap sur la fontaine de Jouvence, en compagnie de ses stars et artisans.

Un bon scénario: c'est parce que les commandants de ce vaisseau amiral de Disney qu'est Pirates of the Caribbean étaient à la recherche de ce trésor-là que le capitaine Jack Sparrow ne s'est pas pointé à l'horizon pendant quatre ans. «Nous sommes repartis à zéro après avoir bouclé la première trilogie. Cela permet d'avoir un film moins long, car il compte moins de personnages et moins d'intrigues secondaires», a indiqué le producteur Jerry Bruckheimer lors d'une conférence de presse tenue la semaine dernière à Los Angeles.

Avec, en mains, ces atouts que sont les capitaines Jack Sparrow et Barbossa, les idées de Johnny Depp (qui a été très proactif dans le processus de développement du récit) et un roman que Tim Powers a publié en 1987, Ted Elliott et Terry Rossio, auteurs des trois scénarios précédents, ont commencé à cartographier l'histoire de On Stranger Tides - où Jack Sparrow tente de trouver la fontaine de Jouvence, en compagnie d'une ancienne flamme, Angelica, et de son père, le légendaire Blackbeard; à leurs trousses, l'ineffable Barbossa.

Mais l'écriture n'était qu'une première étape. Il fallait aussi que les membres de l'équipage, vétérans (Johnny Depp, Geoffrey Rush) comme nouveaux venus (Penélope Cruz, Ian McShane), soient libres en même temps pour un tournage de six mois qui les entraîneraient des îles hawaïennes à Porto Rico en passant par Los Angeles et Londres. Ce, sous la gouverne d'un nouveau réalisateur, Rob Marshall - qui prenait la relève de Gore Verbinski.

Enfin, dernier écueil - et il était de taille (avec ou sans jeu de mots): au moment de lever l'ancre, Penélope Cruz a annoncé aux troupes qu'elle est enceinte. Quelques ajustements ont alors été nécessaires.

Avec humour et allant, acteurs et artisans du film ont discuté tout cela avec des journalistes représentant des médias du monde entier. Laissons-leur la parole... ou plutôt le crachoir (pour faire plus pirate!).

L'humour de Johnny Depp

«C'est un grand honneur de faire partie de cette chose que vous avez participé à créer et qui est devenue si importante pour autant de gens», a indiqué Johnny Depp en parlant de «son» capitaine Jack Sparrow - dont il n'a pas fini d'explorer toutes les facettes, assure-t-il: «Il y a moyen de faire plus absurde et plus psychédélique.» On compte sur lui pour ça. Ainsi, il verrait d'un très bon oeil de camper les volets 5 et 6 de Pirates of the Caribbeans... dans le manège de Disneyland, «on irait en cercle, sans arrêter, un genre de Sleep d'Andy Warhol, juste des close-ups sur chacun». Ben oui, pourquoi pas?! Et puis, poursuit-il, il envisage fort bien d'enfiler le costume de Jack jusqu'à un âge très avancé: «Ils pousseront ma chaise roulante sur le plateau.»

De toute manière, il lui est de plus en plus difficile de se séparer de l'iconique personnage: «Il y a toujours une grande part de nous dans les personnages que nous créons. Mais heureusement ou malheureusement, il y a maintenant aussi une grande part de capitaine Jack en moi. Je ne peux rien y faire, il ne me laisse pas tranquille. Il est même arrivé ce matin, alors que je préparais les enfants pour l'école.» Et pourtant, continue-t-il avec sérieux très «deppien», il a tout fait pour que la franchise soit un échec - afin de ne pas contredire ce qu'il avait balancé aux journalistes en début de carrière: «Aucun de mes films ne rapportera jamais d'argent.» Jack Sparrow l'a fait mentir. «Mais ce n'est pas de ma faute! J'ai même essayé de me faire renvoyer du premier film», jure-t-il. Parole de scout ou de pirate?

La grossesse de Penélope Cruz

«La seule façon pour moi de faire le film était de mettre les cartes sur table pour m'assurer que je sois protégée. Et la production m'a donné tout le nécessaire pour cela», indique Penélope Cruz, qui joue ici la bouillante Angelica. Elle faisait référence à sa grossesse, qui a débuté à peu près en même temps que le tournage d'On Stranger Tides - auquel elle tenait à participer, mais à certaines conditions. «Nous avons réaménagé l'horaire de tournage pour elle, nous avons changé son costume - son corset, lacé au départ, a été remplacé par un autre, pourvu d'un élastique. Nous avons utilisé un manteau noir, pour camoufler sa silhouette. Nous avons fait très attention à la manière dont nous la filmions, plus les mois avançaient», résume Rob Marshall.

Et la belle pirate a été doublée dans les scènes très physiques. «Ma soeur Monica a pris ma place dans le duel à l'épée avec Johnny» poursuit celle qui a adoré jouer une menteuse, «chose que je ne suis pas dans la vie»; et une rebelle, «ce que je suis, semble-t-il, depuis toujours». Elle a aussi apprécié «découvrir de l'intérieur comment sont fabriqués ces films énormes, comme il ne s'en fait plus beaucoup». Retrouver Johnny Depp, avec qui elle a joué dans Blow il y a 11 ans, a aussi été un grand bonheur; de même que ses retrouvailles avec Rob Marshall, qui l'a récemment dirigée dans Nine. «Il me fallait une actrice capable de tenir tête à Johnny, d'être aussi sexy, drôle, talentueuse. Penélope est la seule qui s'est imposée.» Et cette dernière, enceinte ou pas, de sauter sur l'occasion de faire quelque chose de différent. «J'ai accepté avant même d'avoir lu le scénario, c'est dire combien ça me tentait», rit-elle.

Les souliers de Geoffrey Rush

« Je dois remercier Johnny pour ma réapparition ici: il a insisté pour que se poursuive la relation de vieux couple aigri que Sparrow entretient avec Barbossa», fait l'acteur australien qui réenfile les souliers... ou plutôt LE soulier du frère-ennemi du capitaine Jack. À ce sujet, il a consulté un prothésiste (puisque Barbossa est maintenant unijambiste): «Il m'a dit qu'il fallait 18 mois pour qu'une personne qui a perdu un membre trouve un nouvel équilibre. Je n'avais pas ce temps pour apprendre à marcher avec une jambe en moins (comprendre: repliée et attachée à la cuisse). J'ai dit à Rob: «Je vais jouer la jambe». Et on m'a donné une chaussette bleue.» Qui allait servir aux effets spéciaux, en post-production.

Ce n'est pas le seul changement concernant son personnage. Les autres, plus psychologiques, lui ont plu davantage encore: «J'aime le côté caméléon de Barbossa. Dans le premier film, il est un coeur de pierre. Sa légende veut qu'il ait été recraché de la bouche de l'Enfer. Dans les deuxième et troisième volets, il est devenu un genre de politicien. Maintenant, il travaille pour le roi, ce qui flatte sa vanité.»

Les «non» de Ian McShane

«Mes trois petits-enfants sont venus me voir sur le plateau... et, aussitôt, ils ont filé dire bonjour à Johnny», pouffe Ian McShane, interprète du terrible Blackbeard. Une métamorphose qui a exigé trois heures quotidiennes de maquillage. «Ça, plus ce costume à la fois pirate, motard et rockeur, m'ont aidé à trouver le personnage», poursuit celui que l'Amérique a découvert pour son rôle dans la série Deadwood.

À ce sujet, non, il ne s'est pas ennuyé de ne pas avoir à jurer à la manière de Swearanger, dans On Stranger Tides. Et non, il ne se fatigue pas de jouer les vilains. Non encore, il ignore pourquoi au cinéma, les Américains font incarner leurs ennemis par des Britanniques: «Ils nous en veulent peut-être encore pour ce qui s'est passé il y a 250 ans», s'amuse-t-il. Enfin, non, la célébrité atteinte grâce à Deadwood n'a pas changé sa vie: «J'étais déjà connu de l'autre côté de la grande mare. Mais je trouve intéressant de voir combien Hollywood est intéressé par les talents étrangers et accueille bien des réalisateurs venus d'ailleurs. Bon, c'est ce qui est fait par la suite avec ce talent qui est parfois un peu... mystérieux.»

La musique de Rob Marshall

«Il y a eu... disons, de l'étonnement quand on a annoncé que j'allais réaliser On Stranger Tides, reconnaît Rob Marshall (Chicago, Nine). Mais il y a longtemps que je désirais diriger un film d'aventures.» Il n'allait pas rater l'occasion. Et, surprise: «Ce n'est pas si différent d'un musical. À la place des numéros de production, il y a ces scènes de combat, qu'il faut aussi chorégraphier. Et une fois ces combats terminés, il faut retourner au récit de manière organique, pour que tout semble lié.» Sans faire de vagues, quoi.

La vengeance de Jerry Bruckheimer

«Les volets 2 et 3 de la franchise ont été très malmenés par la critique mais ils n'en ont pas moins été d'énormes succès, assure le producteur Jerry Bruckheimer. Avec le troisième, nous avons atteint 2,6 milliards au box-office... même si les médias ne les ont pas compris aussi bien que le public. Or c'est pour le public que nous faisons les films.» Et vlan! Pour ce qui est du cinquième volet, le premier jet du scénario est sur son bureau. «J'espère que nous pourrons vous l'offrir plus rapidement que celui-ci.»

Pirates of the Caribbean - On Stranger Tides (Pirates des Caraïbes - La fontaine de Jouvence) prend l'affiche le 20 mai

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Walt Disney Pictures