Coucher avec ses ennemis de droite pour tenter des les convertir à ses idéaux de gauche? Voilà ce que fait le personnage qu'incarne Sara Forestier dans l'excellente comédie politique de Michel Leclerc. La lauréate du César de la meilleure actrice explique.

À la dernière cérémonie des Césars du cinéma français, Le nom des gens a causé une certaine surprise en raflant deux des plus prestigieux trophées de la soirée. La comédie politique de Michel Leclerc (J'invente rien) a en effet obtenu le César du meilleur scénario, et la vedette féminine du film, Sara Forestier, a été sacrée meilleure actrice.

Très émue, toujours en ébullition, la jeune comédienne n'a d'ailleurs pas raté son effet sur scène en déclarant que même si elle incarnait une «pute politique» dans le film, elle n'y connaissait rien. «D'ailleurs, j'étais vierge sur ton film!», a-t-elle ajouté en s'adressant à l'auteur cinéaste.

À n'en pas douter, Bahia Benmahmoud, l'héroïne du film, et Sara Forestier étaient destinées à se rencontrer. Au départ, les chances que le rôle de cette pasionaria de gauche d'origine maghrébine soit attribué à une actrice blonde aux yeux bleus étaient pourtant... plutôt minces. Mais voilà. Devant la fougue de la jeune femme, son inventivité, sa façon de plonger sans filet en souscrivant à toutes les propositions possibles et imaginables, Michel Leclerc n'a pu faire autrement que craquer. Et il a remanié son script pour l'ajuster sur mesure à l'actrice.

«À la lecture du scénario, j'étais carrément euphorique!, d'expliquer à La Presse celle qui fut révélée grâce à L'esquive d'Abdellatif Kechiche. D'abord, l'histoire est très drôle, et surtout, la façon avec laquelle Michel aborde la question de l'identité nationale est géniale. C'est comme un bol d'air frais qui arrive au milieu de toutes nos obsessions françaises!»

Détourner les clichés

Dans Le nom des gens, Sara Forestier incarne une jeune «métissée» franco-algérienne, très militante dans les causes sociales, fière du fait que la situation de son père, immigré clandestin ayant fui la guerre d'Algérie, ait été régularisée grâce au président François Mitterrand. Du moins, le croit-elle.

Son existence est bouleversée le jour où elle rencontre l'un des milliers d'Arthur Martin que compte la France. Interprété par Jacques Gamblin, l'homme affiche tous les attributs du «facho de droite» aux yeux de la militante. L'épidémiologiste, quarantaine tranquille, deviendra ainsi la cible des méthodes de «conversion» de celle dont le coeur et le corps vibrent à une idéologie de gauche. C'est-à-dire que la jeune femme tentera d'attirer cet Arthur Martin dans son lit, histoire de le convaincre de traverser du bon côté des choses. Il appert pourtant que le type est un homme de gauche.

«Évidemment, Michel prend un malin plaisir à détourner les clichés, mais il va beaucoup plus loin que ça, fait remarquer l'actrice. À travers l'histoire de cette rencontre, toutes les névroses, toutes les obsessions qui habitent la France sont traitées sur un ton léger, mais pas insignifiant. Au contraire. Il a plutôt choisi de s'éloigner des concepts et d'aborder des thèmes plus lourds - liés à l'histoire de la France - en les intégrant dans le quotidien de ces gens. Son film est vraiment ancré dans la vie.»

Sara Forestier, qui a prêté ses traits à France Gall dans Gainsbourg (vie héroïque) l'an dernier, n'a affiché aucune inhibition pour se glisser dans la peau d'une femme très libre de corps et d'esprit, et aussi... distraite. Dans une scène où elle oublie tout simplement de mettre des vêtements, Bahia se retrouve à déambuler flambant nue dans la rue, et se retrouve même à monter dans une rame de métro...

«Une fois que Michel m'a choisie, il m'a parlé de scènes qu'il avait dû retirer de son scénario car les actrices approchées avant moi ne se voyaient pas les tourner. Dans mon esprit, cette scène-là se révélait non seulement drôle, mais absolument nécessaire à la bonne compréhension du personnage. Elle nous donne une clé très importante. Sans cette scène, il y aurait eu un chaînon manquant. Personnellement, je n'ai eu aucune réticence. Je faisais confiance à Michel.»

Un penchant pour la réalisation

N'ayant jamais douté de sa vocation d'actrice, venue très tôt, Sara Forestier compte aussi se tourner vers la réalisation. En principe, elle devrait même amorcer le tournage de son premier long métrage au cours de la saison estivale.

«L'esquive a été mon école, reconnaît l'actrice. Avant, je ressentais instinctivement un besoin de jouer mais je ne connaissais strictement rien. Après avoir rencontré Abdel, je suis devenue cinéphile. De façon quasi boulimique. J'ai toujours fonctionné comme ça. J'apprends en faisant les choses. C'est la même chose quand je peins. Je suis une autodidacte qui choisit un mode d'expression parce qu'il répond d'abord à un besoin.

«Je ne laisserai jamais mon métier d'actrice, mais j'ai quand même l'impression qu'éventuellement, la réalisation occupera l'espace le plus important dans ma vie», conclut celle qui, à 24 ans, a déjà trois courts métrages à son actif en tant que réalisatrice.

Le nom des gens prend l'affiche le 20 mai. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.