Dans un coin retiré du parc Angrignon, quatre hommes au profil louche sont réunis autour d'une table de pique-nique, à deux pas d'un marais. Autour d'eux, un vent fort secoue les arbres. Le ciel est gris et menaçant.

Sous le regard de deux des hommes, Dominico Fagazi, complet sombre impeccablement taillé et lunettes noires sur le nez, offre un long cigare à Sam Cohen. Ce dernier l'allume et le savoure avec satisfaction. Fagazi replonge la main dans une poche de son veston et en retire une liasse de billets pliés en deux qu'il glisse dans la main de Cohen. Leur conversation demeure un mystère.

En retrait à quelques mètres, les yeux rivés sur un moniteur, le réalisateur Luc Dionne observe la scène. «Hé, que c'est bon, ça», murmure-t-il. La productrice Denise Robert, juste à sa droite, suit l'action avec attention. Cette fois, ils tiennent leur scène. Dionne annonce une pause.

Bienvenue sur le plateau du film Le projet Omertà, suite sur grand écran des trois séries que Luc Dionne a scénarisées (réalisées par Pierre Houle et George Mihalka) pour Radio-Canada dans les années 90. Si le film met toujours en vedette le policier Pierre Gauthier (Michel Côté), il proposera aux cinéphiles une galerie de nouveaux personnages: le parrain de la mafia Dominico Fagazi (René Angélil), le criminel Sam Cohen (Stéphane Rousseau), le restaurateur et blanchisseur d'argent Steve Bélanger (Patrick Huard). Paolo Noël, participant à la scène tournée hier, reprend le rôle du mafieux Tony Potenza.

René Angélil attire regards et intérêt. À 69 ans, l'impresario et mari de Céline Dion revient au grand écran, 40 ans après son rôle dans Après-ski de Roger Cardinal. Un retour apprécié.

«C'est Denise Robert qui a eu l'idée de m'offrir le rôle, raconte-t-il en entrevue à La Presse. Dès le départ, elle m'a dit que je n'avais qu'à être naturel. Moi, je riais. Je trouvais que ça n'avait pas d'allure. Luc Dionne et elle sont venus me voir. Ils m'ont fait lire le scénario. Ils avaient l'air tellement sûrs de ce qu'ils faisaient.»

René a consulté Céline. «Elle riait aussi, mais elle m'a dit: «C'est vrai que si tu es capable d'être naturel, ça va être bon. Tu devrais le faire.» Alors, j'ai dit oui.»

Horaire serré oblige, le calendrier du tournage a été conçu de sorte que M. Angélil puisse tourner toutes ses scènes à l'intérieur de cinq journées consécutives de travail. Hier, au parc Angrignon, il a tourné cinq scènes. Aujourd'hui, il retourne à Las Vegas. Céline Dion reprend ses spectacles mardi.

Charisme devant l'écran

Pour se préparer, René Angélil a travaillé son rôle avec la comédienne Johanne-Marie Tremblay qu'on a vue dans plusieurs films (À l'origine d'un cri, J'ai tué ma mère, Les invasions barbares). «Elle est venue en Floride. Nous avons travaillé durant cinq jours et elle m'a donné de très bons conseils», assure René Angélil.

Considère-t-il son tournage d'une publicité de St-Hubert, actuellement sur nos écrans, comme une pratique? «Non, non, dit-il. Nous avons tourné cette publicité il y a un an.»

Pour Luc Dionne, Angélil a un talent naturel. «On ne peut filmer le pouvoir, le charisme. Il faut que l'acteur le possède. On retrouve ça chez des personnes mythiques, dit-il. Et René a une grande capacité à comprendre la place de son personnage dans une scène. C'est l'expérience d'une vie.»

Patrick Huard et Stéphane Rousseau saluent le côté modeste de l'homme et soulignent la bonne humeur qu'il a émaillée durant cette semaine de tournage.

«René est extrêmement gentil avec tout le monde, dit Huard, grand fan des séries Omertà. Il connaissait les textes de toutes ses scènes. Il a fait son travail avec humilité. Il se mêle à l'équipe. Je trouve extraordinaire qu'une personne sorte de sa zone de confort et se mette ainsi dans une situation de vulnérabilité et de fragilité. C'est ainsi que Céline et lui ont réussi. Ils ne se sont jamais assis sur leurs lauriers.»

«Que du bonheur, lance de son côté Stéphane Rousseau. Tous ensemble, nous avons eu d'incroyables fous rires. René et moi, on se connaît depuis 20 ans. Il m'a donné de bons conseils dans le passé. Cette fois, c'était agréable de se retrouver dans un autre rapport, sur un plateau.»

La différence entre la scène et le cinéma? «Dans un spectacle, tu as une seule prise. Il faut que tu sois bon du premier coup», dit M. Angélil, dont l'acteur préféré est Robert De Niro.

Amorcé le 24 mai, le tournage se poursuit jusqu'au 18 juillet. Le projet Omertà mettra aussi en vedette Rachelle Lefevre, Mélissa Désormeux-Poulin, Émile Proulx-Cloutier et Michel Dumont. Le film sortira en 2012.