Vendredi, jour de la Fête nationale, la tournée Québec Gold 10, une sélection de neuf courts métrages québécois primés autant au pays qu'à l'étranger, se terminera au TIFF Bell Lightbox de Toronto. Mise sur pied par l'organisme Prends ça court! , cette tournée annuelle s'est arrêtée dans une vingtaine de villes. Comme quoi le court métrage peut avoir une longue, très longue vie.

Septembre 2010 au Festival international du film de Toronto (TIFF). La réalisatrice Halima Ouardiri est «malade de trac». Son premier film professionnel, le court métrage Mokhtar, est sur le point d'être présenté en première mondiale dans ce festival de cinéma parmi les plus prestigieux de la planète.

«Je ne voulais pas entrer dans la salle. Heureusement, mes amis étaient là pour m'encourager», dit-elle.

Quinze minutes plus tard, une fois la projection terminée, Halima Ouardiri pousse un long soupir de soulagement. Et est confrontée à une nouvelle réalité. Celle de la réalisatrice en demande. «Après la projection, j'ai reçu sur-le-champ trois invitations à d'autres festivals, raconte-t-elle. C'est devenu une folie. Depuis, je ne fais que répondre à la demande.»

Moins d'un an plus tard, Mokhtar, mélange de conte fantastique et de documentaire dans lequel un enfant chevrier du Maroc crée l'émoi à la maison en rapportant un hibou, signe de mauvais présage, a fait le tour de la planète. Le film a été vu dans des dizaines de festivals, de Valence à la Nouvelle-Zélande, de l'Ukraine à Alger, de Berlin à New York, récoltant plusieurs prix au passage. À une autre échelle, Mokhtar a autant voyagé qu'Incendies, Les amours imaginaires et Curling, sans doute les trois longs métrages québécois qui ont eu le plus d'échos à l'étranger en 2010.

Et ce n'est pas le seul court métrage québécois à avoir connu une carrière planétaire. Ainsi, neuf films de 2010 regroupés sous le nom de Québec Gold 10 et chapeauté par l'organisme Prends ça court! du programmateur Danny Lennon termineront, le 24 juin à Toronto, une tournée de 20 villes, de Baie-Comeau à Vancouver, de Sept-Îles à Val-d'Or, Sutton, Sorel-Tracy, Clermont-Ferrand, etc.

Comme quoi, même s'il s'épanouit dans l'ombre du grand frère, le court métrage peut avoir la vie longue et représenter tout autant la vitalité de la cinématographie québécoise. Dans l'ombre, car le court métrage reste méconnu. «Si on dit à des personnes qu'on a fait un court métrage, celles-ci ont l'impression que nous sommes hyper-marginaux. Pourtant, on y apporte le même effort», souligne Halima Ouardiri qui travaille chez EyeSteelFilm, dynamique petite boîte de production montréalaise.

Avec son film, Mme Ouardiri a eu l'occasion de discuter de son art avec des gens de partout sur la planète. «D'un endroit à l'autre, les réactions sont différentes, dit-elle. Dans des pays musulmans, certains ont dit que je faisais une critique de l'islam. Alors qu'à l'autre bout du spectre, des Américains patriotes m'ont dit que le garçon de mon film subissait un traitement de barbares. Entre ces deux extrêmes, plusieurs autres apportent des nuances. C'est ce que je cherche. Je veux susciter des réactions.»

Genre en soi

Pour le comédien Louis-David Morasse (Denis Boulet dans le film Gerry), le court métrage ne doit pas être perçu comme un genre cinématographique que les réalisateurs font «en attendant» de passer aux ligues majeures. «Denis Villeneuve, Francis Leclerc, Robert Lepage et beaucoup d'autres réalisateurs de renom y ont touché et ont montré que ce n'est pas un genre mineur», dit celui qui a lui-même produit et joué dans plusieurs courts métrages. La chose qu'on se fait le plus dire c'est: pourquoi on n'en voit pas plus?»

La réponse, c'est que les courts métrages peuvent être vus sporadiquement à différents endroits. De temps à autre, certains sont programmés avant un long métrage au cinéma. On peut aussi en voir à la CBC, à Télé-Québec, durant les tournées organisées par Prends ça court! , sur les vols d'Air Canada, les sites tou.tv et onf.ca et dans certains cinémas comme le Beaubien qui, le 21 juin, présentera un programme de courts métrages internationaux. Il suffit d'ouvrir l'oeil!