Il y avait 35 ans que Winnie l’ourson n’était parti à l’assaut du grand écran. Mais il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Celui-ci est bien vivant et il le prouve dans Winnie the Pooh de Stephen Anderson et Don Hall. Rencontre avec deux figures montantes de Disney et Burny Mattinson, la figure légendaire qui les a secondés.

«Le projet a eu le feu vert avant que nous n’y soyons attachés. Et jamais il n’y a eu de pression pour que le film soit fait en 3D. Notre mandat était de retourner aux racines du personnage et de son univers. Et ces racines sont en 2D.» C’est ainsi que Stephen Anderson et Don Hall, réalisateurs de Winnie the Pooh, s’exprimaient, l’un complétant l’autre, lors de l’entrevue qu’ils ont accordée à La Presse dans les locaux de Walt Disney Animation Studios.

Petit retour en arrière. Winnie the Pooh est né en 1926, sous la plume de l’auteur britannique Alan Alexandre Milne et sous les crayons de l’illustrateur Ernest Howard Shepard. On y suivait, au cours de tendres (més)aventures quotidiennes, le destin des animaux en peluche de Christopher Robin dans une forêt appelée Hundred Acre Wood (la forêt des rêves bleus): Winnie, bien sûr; mais aussi Rabbit (Coco lapin), Piglet (Porcinet), Tigger (Tigrou), Owl (Maître Hibou), Kanga (Grand Gourou), Roo (Petit Gourou) et Eeyore (Bourriquet).

Ces petites histoires ont fait l’objet d’innombrables adaptations à l’écran. Sorti en 1966, le court métrage Winnie the Pooh and the Honey Tree a connu un succès tel que Walt Disney lui-même en a commandé un autre à ses troupes. Au sein desquelles se trouvait un jeune artiste nommé Burny Mattinson. «Il a été notre arme secrète pour le film», rigole Stephen Anderson.

Maintenant âgé de 76 ans, Burny Mattinson est entré chez Disney à 18 ans, a travaillé avec oncle Walt et les mythiques «Nine Old Men» (ces animateurs/réalisateurs à l’origine des classiques Bambi, Snow White, Sleeping Beauty, etc.); et il connaît Winnie sur le bout des doigts.

«Les réalisateurs sont venus me voir et m’ont demandé de leur «vendre» quelques histoires qui n’avaient pas déjà été faites ad nauseam. Je suis retourné aux livres et aux films, et je leur en ai présenté six ou sept. Il en reste trois ou quatre dans le film», raconte celui qui a été partie prenante des «courts» originaux et du long métrage sorti en 1977.

C’est que John Lasseter, directeur créatif chez Disney et Pixar, avait le projet de faire une série de courts métrages. Mais en entendant le fruit des recherches des deux «nouveaux réalisateurs» (Don Hall, qui a travaillé sur The Princess and the Frog, en est à sa première réalisation; et Stephen Anderson, qui est entré chez Disney en 1995 pour travailler sur Tarzan, en est à sa deuxième – après The Emperor’s New Groove… où il a dirigé une recrue: Don Hall) et du vétéran, il a vu là un potentiel de long métrage.

Mais attention: un long métrage assez court. À peine plus d’une heure: «Quelques histoires sont donc tombées et leur espace est occupé par le fil conducteur qui les relie», explique Don Hall. Ce fil étant… l’enlèvement de Christopher par un sombre personnage appelé Backson. Le tout, en réalité, le fruit d’un quiproquo: Owl a mal lu la lettre que le gamin a écrite à ses amis, expliquant qu’il était occupé ailleurs ce jour-là.

«Ce n’est pas une grande intrigue, mais elle reflète l’univers de Winnie», fait Don Hall. «C’est là que se trouvait notre principal défi, continue Stephen Anderson. Dans le rythme, ce rythme qui est lent, parfait pour une histoire sans gros conflit, sans menace énorme. Nous devions arriver à faire cela, mais pour le public d’aujourd’hui.» «C’est pour cette raison qu’il est tellement facile d’imaginer une mauvaise version de Winnie!», rigole Don Hall.

Spectre du 3D

Le spectre du 3D surgit ici. Dans les questions qu’on leur pose. Pas dans les faits: «Nous n’avons eu aucune pression pour utiliser le 3D ou pour rendre l’univers plus contemporain. Ce n’est pas surprenant maintenant que John Lasseter est ici. Il n’en aurait pas été ainsi dans le passé», croit Stephen Anderson.

Son collègue et lui se sont lancés dans des demandes à leurs yeux farfelues quand ils ont présenté l’idée à la direction du studio: «Pour que le film retourne aux sources du monde selon Winnie, envoyez-nous explorer ces sources», ont-ils lancé presque à la blague.

Avant de se retrouver dans un avion en direction de l’Angleterre. Là, ils ont visité Ashdown Forest, le véritable Hundred Acre Wood où Milne a écrit les livres; et des musées où sont exposées les illustrations originales de Shepard.

Cela se sent dans ce Winnie the Pooh dont l’animation, oui, en 2D, a été entièrement faite à la main. Les deux réalisateurs en sont heureux. Burny Mattinson, plus encore: «Je suis devenu animateur parce que j’ai vu Pinocchio quand j’avais 6 ans», se souvient celui qui a commencé dans l’entreprise comme messager et qui, six mois plus tard, travaillait sur The Lady and the Tramp, a prêté son talent à 101 Dalmatians, The Jungle Book, Mulan et bien d’autres; et a assisté aux premiers pas dans le métier des Tim Burton, John Lasseter et autres Jeffrey Katzenberg (cofondateur de DreamWorks).

«J’aime passionnément le 2D, conclut le vétéran. Quand on a décidé de le mettre de côté chez Disney, sous prétexte que ces films avaient moins de succès, on a tiré sur le messager. Le problème, c’est qu’on avait oublié d’écrire de bonnes histoires.» Rassurant de savoir qu’en tant que senior story artist, il a pris soin de celle de Winnie the Pooh comme Christopher de ses peluches.

Winnie the Pooh (Winnie l’ourson) prend l’affiche le 15 juillet.

Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Pictures.