L'aventure du scénariste Steve Kloves avec Harry Potter a commencé il y a 13 ans. Il ne compte plus les plaisirs qu'il y a trouvés. Côté regret, il n'a pas besoin de calculer: il n'y en a qu'un. Tête-à-tête avec l'homme qui est entré dans la tête de J.K. Rowling.

Traduire, c'est trahir. Ainsi le veut l'adage. Qui peut aussi s'appliquer à l'adaptation d'un texte pour un autre média. Le réalisateur et scénariste Steve Kloves n'a pourtant pas hésité quand, il y a 13 ans, le producteur David Heyman l'a pressenti pour scénariser Harry Potter à l'école des sorciers de J.K. Rowling. Parce qu'il l'avait trouvé excellent, ce petit roman pour enfants qui n'était pas encore devenu la première marche d'un phénomène littéraire mondial.

«Personne ne savait de quoi je parlais quand je racontais que je travaillais sur l'histoire d'un garçon qui va étudier dans une école de sorciers. Surtout que mes films précédents (Wonder Boys, The Fabulous Baker Boys, Flesh and Blood) ne sont pas vraiment dans cette veine», s'amusait, lors de l'entrevue qu'il a accordée à La Presse, celui qui a par la suite signé les scénarios de tous les autres Harry Potter.

Tous sauf L'ordre du Phénix: «Ils me l'ont demandé le mauvais jour. J'ai dit non, et je l'ai regretté tout de suite après, surtout que j'en avais déjà écrit les 30 premières pages - qui sont parmi ce que j'ai fait de meilleur. Je dois me compter chanceux qu'ils m'aient rappelé, plus tard, pour scénariser les autres.»

Car, assure-t-il, le travail d'adaptation n'a été, pour lui, que pur plaisir. «J'en ai aimé chaque seconde. Mais il y a un moment plus dur, après la publication du Prisonnier d'Azkaban, quand tout ce qui entourait les romans et les films est devenu très... intense, disons. Pour certains d'entre nous, c'est devenu très difficile. Je ne suis pas une personne très publique - et je ne suis pas bâti pour les arènes», fait-il en riant.

Discret, donc. Moins, toutefois, que J.K. Rowling qui, au fil de l'aventure, est devenue une amie précieuse. Au point où il a fini par pouvoir se mouler à la manière de penser de la romancière, à deviner quelques bribes des intrigues à venir ou la véritable nature de certains personnages. Ce qui l'a aidé à couper, à concentrer. À adapter, quoi. Tout en respectant.

Une fois, une seule, il a erré. Pas qu'un peu. «J'aimais Dobby dans les livres, mais je n'aimais pas son apparence à l'écran, dans La chambre des secrets. L'effet en CGI me déplaisait, le personnage n'avait pas l'air «vrai». C'est pour ça que quand j'ai travaillé sur La coupe de feu, j'ai beaucoup coupé dans son rôle. Il ne faisait pour ainsi dire qu'entrer ou sortir d'une pièce. Jo a lu le scénario et m'a dit: «J'aime beaucoup, mais tu dois remettre Dobby sinon tu vas avoir des problèmes plus tard. Il a une importance cruciale dans ce qui va arriver.» C'est la seule fois qu'elle a été aussi précise. Autrement, quand je lui posais des questions, elle répondait en général par un sourire ou un clin d'oeil, et me disait de suivre les personnages, de suivre Harry.»

Fil à retordre

C'est aussi ce roman, le quatrième, le premier des «plus longs», qui lui a donné le plus de fil à retordre: «Dans ma tête et dans celle de Mike Newell, qui l'a réalisé, il y avait là deux films. C'est d'ailleurs le long métrage qui m'est le plus difficile à regarder, même si j'ai eu du bon temps avec Mike», admet-il. Car la production n'est pas allée de l'avant avec l'idée de couper le livre en deux. Mais avec l'expérience concluante des Reliques de la mort, David Heyman a laissé entendre en conférence de presse que si c'était en refaire, il suivrait l'idée du scénariste.

Pour ce dernier, la page - un tas de pages en fait - est tournée depuis des mois. Après avoir mis le point final au huitième Harry Potter, il s'est penché sur un autre univers et a signé le scénario du très attendu The Amazing Spider-Man de Marc Webb. Et si ses plans immédiats, après la promotion des Reliques de la mort, ont la couleur des vacances, il se concentrera bientôt sur un projet qu'il a repoussé depuis très (trop) longtemps: l'adaptation de The Curious Incident of the Dog in the Night-Time de Mark Haddon, qu'il compte aussi réaliser. Et, ainsi, retourner à un pan de sa carrière qu'il a mis de côté pour Harry Potter.

On ne peut que lui en être reconnaissant: ils se sont bien servis l'un l'autre, le scénariste et le jeune sorcier; et une partie du succès de cette franchise revient incontestablement à Steve Kloves.

Harry Potter and the Deathly Hallows - Part 2 (Harry Potter et les reliques de la mort - 2e partie) prend l'affiche vendredi. Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros.