Il y a chez les personnes âgées un présent aussi riche, sinon plus, que leur long passé. Mais un présent qui, marqué de traditions anciennes, est souvent appelé à disparaître sous le rouleau compresseur de la modernité.


De là l’intérêt de filmer ces personnes. Avec une certaine urgence.


C’est ce que se sont dits les réalisateurs Hind Benchekroun et Sami Mermer, auteurs du documentaire Les tortues ne meurent pas de vieillesse. Derrière ce titre pour le moins étonnant et qu’on pourrait plaquer sur un des derniers romans de Katherine Pancol (auteure de Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi) se cache un documentaire sensible, lent, lumineux sur les univers de trois personnes âgées marocaines.


Au fil de ce long métrage de 90 minutes, nous faisons la connaissance de Chehma, pêcheur de Dalia dans le nord du Maroc, Abdesslam, musicien de la région de Cheschaouen et Erradi, aubergiste d’Asilah, ville baignée par les eaux de l’Atlantique. Non seulement les suit-on dans leurs tribulations quotidiennes, mais nous revisitons leur passé et partageons leurs maigres joies et douleurs. Surtout, nous baignons dans leurs traditions.


«Je suis arrivée au Québec à 18 ans. Faire ce film me permettait de retourner dans mon pays d’origine afin de capter l’essence de cette génération de personnes âgées dont les traditions s’effacent, souligne Hind Benchekroun en entrevue. Si on ne prend pas le temps d’en faire des enregistrements, certaines de ces traditions vont s’éteindre à tout jamais.»

Traditions


Chacun des trois personnages du film en est un exemple. Ainsi, Chehma est l’un des derniers pêcheurs au filet de son coin de pays. «Une pêche traditionnelle qui n’est pas rentable, dit la réalisatrice. Donc, plus personne ne la pratique. On préfère la pêche à l’hameçon.»


Même intérêt pour Abdesslam, musicien nomade comme il ne s’en fait plus. Trimbalant des instruments traditionnels, il se promène de ville en ville, jouant sur les places publiques ou les terrasses des restaurants.


Au fond, chacun d’eux est un peu le gardien des sceaux!


Derrière le métier exercé, il faut aussi écouter ce que chacun a à dire, suggère Mme Benchekroun. «Ces gens-là sont souvent des analphabètes, mais aillleurs, ce sont des poètes, dans leur façon de parler, de s’exprimer», dit-elle.


Selon la réalisatrice, le Maroc possède une histoire cinématographique qui est surtout axée sur la fiction. «Oui, il existe des reportages à la télévision sur la société et ses traditions, mais il y a très peu de documentaires», déplore-t-elle.


Présenté en première mondiale en novembre dernier aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), le film a par la suite pris la route des festivals, remportant au passage le Grand prix de la ville de Tetouan, au festival de cette ville marocaine tenu en mars dernier. Il a aussi été projeté cet été à Vues d’Afrique. En octobre prochain, il ouvrira le sixième festival Cinéma de films méditerranéens, présenté à Nice.

Les tortues ne meurent pas de vieillesse sera présenté au Cinéma Parallèle à compter du 26 août.