Coincée entre Cannes, star des stars, et Berlin la nordique, aiguillonnée par le jeune Toronto, la Mostra de Venise, doyenne des festivals de cinéma, malmenée par des infrastructures vieillottes et un coûteux projet immobilier en berne, lutte pour rester un «moment stratégique» du 7e art.

Le chantier avorté de son nouveau Palais du festival (37 millions d’euros - les travaux ont dû être arrêtés au bout de deux ans après la découverte d’amiante sur le site -, symbolise ces difficultés). Mais forte du soutien du nouveau ministre de la culture Giancarlo Galan, rentré dans son conseil d’administration, la Mostra devrait bientôt être dotée de structures rénovées et utilisables toute l’année.

Son directeur artistique polyglotte, Marco Mueller, en fin de son deuxième mandat de quatre ans, parle lui-même d’une «année clé». À ceux qui estiment que la Mostra a perdu de son influence, il répond que vendeurs et producteurs continuent de miser sur son festival «comme plateforme» révélant «une valeur du marché allant parfois bien au-delà des prévisions des professionnels, comme l’a démontré Black Swan, de Darren Aronofsky, l’an dernier».

Adulé par les uns pour ses talents de sélectionneur, honni par les autres pour son art de transformer les défaites en victoires, il a su mener «une guérilla permanente» contre ses concurrents, rappelle la revue professionnelle Le film français qui titre toutefois: «la Mostra condamnée à renaître».

«Joyeux chaos à l’italienne»


Née en 1932, le presque octogénaire festival de Venise a traversé le temps dans un décor unique, le Lido, face à la Sérénissime dans la célèbre lagune de Venise où planent les fantômes de Mort à Venise.

Le célèbre palace du film de Luchino Visconti est en pleine restauration et deviendra une résidence de luxe avec une petite partie destinée à l’hôtellerie.

Faute de nouveau Palais, les festivaliers vont découvrir une grande salle de cinéma rénovée dans le style années 30. Certains espaces ont également été restaurés sur le site encore empreint de sa splendeur passée, à quelques encâblures des somptueux palais vénétiens.

Côté programmation, avec Polanski, Clooney, Cronenberg, Ferrara, To, Friedkin, Sokourov....la 68e Mostra qui s’ouvre mercredi s’annonce haut de gamme, accueillant aussi de jeunes auteurs et des stars (Madonna, Al Pacino...).

Pour Jean Roy, journaliste et président de la fédération internationale de la presse cinématographique, 35 Mostra à son actif, «la Mostra reste le deuxième festival au monde après Cannes sur un plan culturel. Ce n’est pas là que se font les affaires mais c’est un moment stratégique pour découvrir certains des meilleurs films de l’année».

«Venise prend de très bons films refusés à Cannes comme The Westler de Darren Aronofsky (Lion d’or 2008) ou Brokeback Mountain de Ang Lee», ajoute-t-il.

Contrairement à Cannes ou Berlin où se presse l’industrie du cinéma, aucun marché du film n’est organisé à Venise, qui a vu naître un nouveau concurrent, Toronto, jeune festival canadien sans compétition, axé sur le marché nord-américain et qui attire les stars hollywoodiennes.

En 2010, Darren Aronofsky, qui préside le jury de la 68ème Mostra, y avait présenté en première mondiale son Black Swan, plusieurs fois nominé et qui a valu à Natalie Portman l’Oscar de la meilleure actrice.

Pour Nicolas Crousse, du journal bruxellois Le Soir, «la Mostra reste supérieure au festival de Berlin et très importante pour les Européens : le cinéma d’un point de vue artistique».
Marie-Noëlle Tranchant du quotidien Le Figaro dit y faire chaque année «de très belles découvertes» et savourer un «savant mélange de cinéma d’auteur et d’innovations dans une ambiance de joyeux chaos à l’italienne».