L’icône de l’opposition birmane Aung San Suu Kyi est désormais une figure de cinéma et sous les traits de Michelle Yeoh dans The Lady, de Luc Besson, présenté lundi à Toronto.

Du destin singulier de la «prisonnière de Rangoun», Luc Besson fait un résumé de plus de deux heures trente qui évite d’entrer dans les arcanes de la politique birmane pour se recentrer sur l’histoire dans l’histoire, le sort du couple et de la famille que Mme Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, formait avec son mari britannique, Mickael Aris, et leurs deux fils Kim et Alexander.

Assignée à résidence par la junte birmane, Aung San Suu Kyi n’a pas revu son mari décédé d’un cancer de la prostate: la junte lui a refusé avec constance un visa mais incitait en revanche Mme Suu Kyi à se rendre à son chevet, en Angleterre.

Sûre qu’une fois partie elle ne serait jamais autorisée à rentrer, Aun San Suu Kyi avait refusé. Et Mickael, spécialiste du Tibet à l’université d’Oxford, est mort loin d’elle en 1999.

«C’était le prix à payer: des milliers de gens donnent leur vie pour leur pays sans se poser de question, juste parce qu’ils pensent que c’est juste» a défendu lundi devant la presse le réalisateur.

Fille du général Aung San, leader indépendantiste assassiné quand elle a 2 ans et toujours révéré par la population, «Daw Suu», installée à Oxford, se retrouve soudainement dépositaire de cette illustre figure quand elle rentre en Birmanie, en 1988, au chevet de sa mère malade.

Témoin des émeutes pro-démocratiques et de la violente répression qui s’ensuit, elle ne repartira plus.

C’est là que la cueille The Lady, suivant son combat non-violent à la tête de la Ligue nationale pour la démocratie.

Comme dans tous les biopics réussis, le visage de l’actrice d’origine malaisienne Michelle Yeoh finit par se superposer à celui de Mme Suu Kyi. L’actrice a confié lundi avoir travaillé dur pour ce rôle, perdant du poids et apprenant le birman, «une langue qui ne ressemble à aucune autre».

«Pendant quatre ans, j’ai vécu avec elle jour et nuit et je suis encore habitée» par ce personnage hors du commun, boudhiste comme elle, a-t-elle précisé.

L’actrice a d’ailleurs pu rencontrer Aung San Suu Kyi pendant deux jours chez elle à Rangoun, alors que la fin du tournage approchait.

«Elle s’est approchée pour me serrer dans ses bras et elle m’a pris la main.  Mais on n’a pas parlé du film».

La scénariste Rebecca Frayn, a travaillé elle aussi pendant quatre ans pour faire de son sujet «un être de chair et de sang», enquêtant et négociant avec sa famille et ses amis le droit de raconter son histoire.

Luc Besson a tourné en Thailande près de la frontière birmane dans une grande discrétion, avec beaucoup des figurants birmans.

«Certains ont fondu en larmes, bouleversés, lors des scènes de meetings parce qu’ils avaient entendu Suu Kyi à la pagode de Shwedagon», se souvient-il. Et aussi, «c’est la première fois que des acteurs me demandent de ne pas figurer au générique, parce qu’ils craignaient des représailles sur leurs proches au pays».

Pour garantir un parfum d’authenticité au film, il a aussi dépêché six équipes vidéo légères tourner des extérieurs à Rangoun et intégrer les images originelles de manifestations fournies par des vidéastes birmans - eux aussi absents du générique par sécurité.

Le réalisateur - également producteur à la tête d’Europacorp - revient avec The Lady au monde des adultes après la série de trois Arthur depuis 2006, et un passage par Adèle Blanc-Sec.

La lauréate du prix Nobel de la paix a été libérée en 2010 après plus de sept ans et demi de privation de liberté.