Passer des semaines à camper dans les bois. Marcher en moyenne 14 kilomètres par jour. Consacrer des jours à apprivoiser des bêtes jusqu'à réussir à s'en approcher à trois ou quatre mètres sans les effaroucher. Le Gaspésien Harold Arsenault s'est plié durant des mois à cet exercice pour en tirer L'amour au pays des orignaux, documentaire retraçant le cycle de la vie chez ces majestueux mammifères.

La communion avec la nature, Harold Arsenault connaît. Obligé de travailler à Montréal pendant 10 ans, il y a gardé un petit pied-à-terre et s'est installé à Mont-Tremblant! Depuis, il est de retour en Gaspésie où il enfile les documentaires.

«D'ordinaire, je réalisais des films en format 52 minutes pour la télévision. Mais cette fois, je voulais faire un long métrage pour les salles de cinéma. J'ai passé tellement de temps avec les orignaux», dit le cinéaste en entrevue téléphonique.

Le sujet se prête à la formule plus longue (près de 90 minutes). Sur une période de trois ans, la caméra suit Giju, femelle orignal qui, après avoir perdu son petit, attaqué par un ours noir l'année précédente, est de nouveau prête à s'accoupler. Au printemps, elle donne naissance à Gwi's, un mâle qui la suivra pas à pas durant près de 18 mois. Giju l'élèvera dans une grande solitude, au coeur de la forêt. Car, comme le dit la comédienne Isabel Richer à la narration: «Pour survivre, un orignal doit savoir vivre seul.»

Plusieurs Giju, un seul Samara

En entrevue, Harold Arsenault dit avoir un peu triché puisque plusieurs femelles interprètent Giju. «À la base, mon but était de raconter une histoire typique, dit-il. J'ai ramassé tout le matériel que je pouvais pour créer le récit. Il était difficile, au fil des saisons, de suivre toujours la même femelle. Par contre, le mâle, Sarama, est toujours le même. Il était facile à identifier avec son panache.»

Du panache, le cinéaste n'en manquait pas pour filmer tous ces fragments d'intimité dans la vie des orignaux. Au fil des saisons, même durant les jours d'hiver rigoureux, il a suivi les bêtes, captant tant les images de la saison des amours que de l'accouplement (très bref), de la gestation, de la naissance et de l'éducation du petit. On est soufflé qu'il ait pu les approcher d'aussi près.

En général, répond le cinéaste, les orignaux tolèrent les hommes plutôt bien. «Tous ont leur personnalité, souligne-t-il, mais, en général, les choses se passent bien. Pour certains animaux, il faut utiliser des caches. Pas ici. Certains orignaux peuvent être approchés à quelques mètres. Lorsqu'ils se couchaient dans l'herbe pour ruminer, je faisais la même chose, avançant mon micro vers eux. C'était assez impressionnant.»

Dotés d'une vision limitée, les orignaux ont toutefois un bon odorat et reconnaissent la présence humaine, ajoute le cinéaste qui dit comprendre les chasseurs, mais ne pourrait plus abattre un orignal aujourd'hui.

Cela étant dit et en dépit d'une certaine fragilité se dégageant du film, M. Arsenault assure que la population d'orignaux de la Gaspésie se porte très bien. «À certains endroits, la densité est très élevée, dit-il. La présence de l'homme a fait en sorte qu'il y a eu beaucoup de coupes de bois. Le milieu est en régénération. Or, justement, les jeunes cherchent ces jeunes arbustes en croissance pour se nourrir.»

Voilà une situation tout à l'opposé des caribous qui se nourrissent des lichens poussant sur les branches des arbres dans des forêts vieilles de 60 ans et plus. En raison des coupes, il n'en reste que 150, sur deux ou trois sommets du parc national de la Gaspésie. Ce sera le sujet du prochain documentaire de M. Arsenault.

En attendant, son film L'amour au pays des orignaux sortira en salle, en DVD et sera aussi présenté en format 52 minutes à la télévision italienne (RAI) et française.

L'amour au pays des orignaux est à l'affiche, en français aujourd'hui et demain et en anglais du 19 au 22 septembre au Cinéma du Parc.