Dans le nouveau film de Philippe Falardeau, Danielle Proulx incarne la directrice d'une école dans laquelle un drame s'est produit.

Madame Vaillancourt est une directrice d'école qui, un peu par dépit, accepte d'embaucher Bachir Lazhar, un homme venu d'Algérie où il affirme avoir exercé le métier d'enseignant. Danielle Proulx campe ce rôle inventé par Philippe Falardeau, auteur d'un scénario inspiré de la pièce d'Évelyne de la Chenelière, conçue pour un seul personnage.

«C'était un beau défi d'actrice, indique celle qui fut distinguée à quelques reprises au cinéma, notamment grâce à Portion d'éternité et C.R.A.Z.Y. C'est à travers madame Vaillancourt, un personnage de fonction, que passe l'information un peu plus didactique de l'histoire. Philippe l'a écrit de façon à ce qu'on puisse lui donner de la chair, du caractère.»

Le rôle est déterminant. Dans cette école où deux enfants d'une classe de sixième année ont été témoins d'un drame de façon plus directe que leurs camarades, la directrice doit trouver la juste mesure. Et manoeuvrer entre les règles administratives, les enjeux psychologiques et le choc culturel amené par ce prof qui ne saisit pas toutes les subtilités de la société québécoise.

«Il est habituellement un peu plus difficile de travailler un rôle quand on ne dispose que de quelques jours de tournage, mais Philippe avait déjà tout mis en place, fait remarquer l'actrice. Et puis, son scénario est magnifiquement bien écrit. Je trouve que Philippe a dépeint les préoccupations des enseignants de façon très crédible. Et avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse.»

La comédienne, qui a travaillé assez régulièrement au cinéma depuis une vingtaine d'années, voit toujours l'exercice d'un premier visionnement comme une découverte.

«Quand on regarde pour la première fois un film dans lequel on joue, on a tendance à regarder les choix qu'a faits le réalisateur plutôt que de se laisser aller à l'histoire. Il y a toujours des surprises, parfois agréables, parfois moins. Dans le cas de Monsieur Lazhar, le projet était tellement solide que les possibilités d'égarements étaient pratiquement nulles!»

Partageant la plupart de ses scènes avec Fellag, l'interprète de Bachir Lazhar, Danielle Proulx a eu l'occasion de travailler avec un artiste qu'elle avait découvert sur scène il y a plusieurs années.

«Nous étions en tournée en Europe avec la troupe de Jean-Pierre Ronfard, rappelle-t-elle. Nous avons été invités à un festival où Fellag offrait un spectacle. Nous sommes allés le voir et nous avons pu nous rendre compte de l'ascendant qu'il avait sur le public, en grande partie composé de Maghrébins. C'est un homme de scène remarquable. Et un comédien formidable, avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler.»

Du théâtre

Sans projet précis de tournage pour le cinéma ou la télé, Danielle Proulx consacre l'essentiel de ses énergies au théâtre cette année.

«Cela fait partie du métier d'actrice, dit-elle. Parfois, rien ne se pointe et hop, deux projets intéressants arrivent en même temps! On apprend à vivre avec l'incertitude. Quand j'ai franchi la quarantaine, j'ai beaucoup angoissé. Dès qu'il y avait un moment plus creux, je remettais tout en question, jusqu'à mon talent. Aujourd'hui, je n'ai plus envie de m'en faire avec ça. Je fais quand même partie des privilégiés qui n'ont jamais vraiment connu de périodes creuses.

«Et puis, j'adore le théâtre, poursuit-elle. J'aime l'esprit de troupe, les liens très forts qui se tissent avec les camarades pendant deux ou trois mois. À la télévision ou au cinéma, tout va tellement vite qu'on n'a plus vraiment l'occasion de créer ce genre de rapports. On court tout le temps!»

Présidente de la Soirée des Jutra pendant quelques années, Danielle Proulx affirme être une très bonne spectatrice au cinéma. Elle loue en outre le talent des créateurs d'ici.

«Il y a présentement une effervescence magnifique chez les jeunes cinéastes, dit-elle. Plusieurs d'entre eux parviennent à rejoindre un public. Il y a tellement de talent que je ne m'inquiète pas du tout sur le plan créatif. Je suis plus inquiète du système dans lequel ils doivent fonctionner. De ce côté-là, ça ne bouge pas. On se retrouve avec un système où certains vétérans ont du mal à se faire valoir, et où il faut aussi tenir compte de l'arrivée des jeunes cinéastes et des nouvelles technologies. Pas évident de faire son chemin là-dedans!»