La présentation, hier après-midi à Rouyn-Noranda, du documentaire Trou Story sur l'histoire des mines au pays a fait ressurgir les clivages dans la population quant aux avantages et inconvénients de cette industrie.

Présenté en première mondiale au Festival international du cinéma en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT), le film de Richard Desjardins et de Robert Monderie a été accueilli avec des applaudissements et des bravos. Mais à la sortie, politiciens et travailleurs miniers estimaient que les réalisateurs avaient arrondi les coins.

«Le bon côté du film est de nous rappeler l'histoire des mines afin de ne pas répéter les erreurs du passé. Mais cela demeure une oeuvre inachevée, car nous sommes en train de corriger les carences qu'ils dénoncent dans la réalité d'aujourd'hui», a déclaré le ministre québécois délégué aux Ressources naturelles, Serge Simard.

Le film de MM. Desjardins et Monderie trace un historique de l'industrie minière en Ontario et au Québec avant d'aboutir sur le présent. Qui n'est guère reluisant à leur avis. En dépit de quelques avancées, le film dénonce avec verve le peu de réelles retombées économiques pour le Québec (hormis les salaires) et les cicatrices environnementales laissées par les minières.

«On reste dans une mentalité de colonisation, a déclaré Richard Desjardins en point de presse après la projection. Si on exploite le gaz de schiste de la même manière, le réveil sera brutal dans la vallée du Saint-Laurent.»

Pour lui, le Québec doit avoir une plus grande part de redevances, miser sur l'industrie de la transformation et songer à une forme de nationalisation des mines.

M. Simard réplique en affirmant que le gouvernement a haussé le plafond des redevances et que ce changement apportera 1,8 milliard en revenus supplémentaires dans les prochaines années. Il rejette toute forme de nationalisation. «Ça ne se fera pas. Nous sommes dans un pays libre et nous n'allons pas étatiser nos ressources naturelles», a-t-il déclaré en oubliant d'évoquer Hydro-Québec.

Le député péquiste François Gendron estime quant à lui qu'il y a encore du chemin à faire en matière de dividendes et de transformation. Mais il rejette les propos des cinéastes qui évoquent l'appauvrissement de la région. «Richard (Desjardins) joue sur les émotions, dit-il. Les projets de mines ont beaucoup de retombées pour la région.»

À l'extérieur du cinéma, un groupe d'activistes dénonçait les minières et plus particulièrement le projet de la mine Osiko qui va exploiter une nouvelle mine d'or à Malartic, ville située entre Rouyn-Noranda et Val-d'Or. Ils avaient l'appui d'un groupe de citoyens qui ont été laissés pour compte dans l'expropriation et le déménagement de maisons où la mine sera en activité. «Nous sommes 39 propriétaires de maisons qu'Osiko a laissé tomber, disent Carl Leblanc et Mario Gagnon. Osiko avait signé une entente pour négocier notre déménagement, mais ça ne s'est pas fait.»

Un peu plus loin, un groupe d'employés de la minière - qui avait acheté 30 billets pour la représentation - tenait un discours différent. «Une bonne partie de la population a accepté le projet, argue Mario Paquin, directeur des ressources humaines et de la santé et sécurité chez Osiko. La compagnie prévoit réaliser des profits de 7 milliards sur une période de 16 ans. Là-dessus, elle remettra 3,2 milliards en redevances et impôts.»

Trois compagnies minières sont commanditaires du FCIAT. Pour le président de l'événement, Jacques Matte, la présentation du film ne les a pas fait tiquer. «Au contraire, la minière Xstrata a augmenté sa participation financière de 20 pour cent, dit-il. Et nous avons toujours présenté les films de M. Desjardins, un gars de Rouyn, depuis le début.»

Les frais de ce reportage ont été payés par le FCIAT.