Le sexe comme une addiction, une drogue qui condamne à la solitude et à un monde sans amour: c’est l’enfer que vit Brandon, le héros de Shame, film du Britannique Steve McQueen qui sort le 16 décembre.

Couronné du prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise, l’acteur germano-irlandais Michael Fassbender prête son visage creusé et son corps sec de coureur de fond à cet anti-héros pour un voyage jusqu’au bout de la honte, «shame» en anglais.

Entre son appartement impersonnel, aux airs de chambre d’hôtel, et son bureau de cadre supérieur dans une autre tour de New York, Brandon mène en apparence la vie banale d’un trentenaire célibataire.

Mais sa vie est en fait dominée par une seule obsession, le sexe, dans ce qu’il a de plus cru: les revues pornographiques et les sites internet X monopolisent et envahissent toute son existence, chez lui comme au travail, où le disque dur de son ordinateur finira par le trahir.

Masturbation constante, errance à la recherche de prostituées, rapports brutaux et anonymes, Brandon mène sa vie secrète et solitaire jusqu’au jour où sa soeur Sissy (Carey Mulligan), une chanteuse de bars d’hôtel un peu paumée, débarque chez lui sans crier gare.
Ses cheveux teints blond platine, ses chapeaux improbables et ses fanfreluches jettent des touches de couleur, mais aussi du désordre, dans l’appartement monacal où Brandon ne peut plus se livrer à ses fantasmes.

Grain de sable dans la vie trop bien réglée de son frère, Sissy et son instabilité émotionnelle, son allant désespéré et ses chagrins d’amour vont précipiter la chute de Brandon qui ne pourra bientôt plus lui dissimuler sa vraie vie et sombrera dans la honte.
Avant la rédemption?

Dans un New York froid où les nuits alternent avec les matins blêmes, la caméra de Steve McQueen ne lâche pas Michael Fassbender, traquant son corps nu à la recherche du plaisir et ses corps à corps filmés au plus près.

L’acteur, qui avait déjà tourné avec Steve McQueen en 2008 dans Hunger, sur les derniers jours de l'indépendantiste irlandais Bobby Sands, passe la moitié du film totalement nu.

«Ce qui se passe avec Brandon et le sexe, c’est la même chose pour beaucoup de gens que nous avons rencontrés avec l’alcool, la cocaïne, la nourriture ou le téléphone», expliquait à Venise le réalisateur.

Steve McQueen estime avoir fait «un film politique» où «la liberté dont nous jouissons aujourd’hui peut, parfois, se transformer en prison», une oeuvre récompensée également à Venise du prix de la critique internationale.

Avec une grande économie d’expression, Michael Fassbender fait peu à peu transparaître la détresse de son personnage, incapable de communiquer ou d’aimer, prisonnier de ses obsessions, mais terriblement humain.

«J’aime bien Brandon, vraiment, il n’est pas mauvais. C’est quelqu’un qui vit aujourd’hui, avec les pièges de la vie d’aujourd’hui», plaidait l’acteur à Venise.