C’est un géant de béton. Un garde indestructible. Silencieux face aux cris et aux larmes, imperturbable aux graffitis. Du haut de ses six mètres couronnés d’une chevelure de fils barbelés, il sépare deux peuples en éternel conflit.

Dans les faits, le mur séparant Israël de la Palestine, officiellement nommé «Barrière de séparation israélienne», est long de 700 kilomètres. Pour les besoins du tournage d’Inch’Allah, on a recréé un mur de 350 mètres. Ce qui en fait – de loin – le plus gros élément de décor de cette production québécoise.

«J’ai mené des recherches durant des semaines pour en venir à une conception en béton, dit la directrice artistique André-Line Beauparlant. J’ai d’abord songé à créer de faux panneaux avec d’autres matériaux, mais après des essais, cela s’avérait trop complexe. Il y avait des risques, avec le vent, etc. Nous avons donc construit des panneaux de béton dont l’intérieur est vide. Ça reste très lourd.»

Et comment! Chaque section de 8 mètres de haut (2 mètres sont enfoncés sous terre) sur 1,25 mètre de large pèse 2 tonnes. Comme le mur fait 350 mètres de long, cela donne un décor de 280 panneaux pesant 560 tonnes!
«Il fallait avoir ce feeling, cette émotion que le mur séparait un pays, poursuit André-Line Beauparlant. Le but n’était pas de recopier directement la vraie barrière, mais de rendre cette même émotion, cette impression que l’on passe d’un côté à l’autre quotidiennement.»

Le faux mur du film a d’abord été érigé au centre d’Amman pour le tournage de scènes dans un dépotoir de Ramallah situé en bordure d’une colonie juive où vit le personnage de Rand (Sabrina Ouazani). Enceinte, Rand s’y rend tous les jours pour récupérer des matériaux qu’elle revend.

La structure a ensuite été démontée pièce par pièce, mise sur des camions avec une grue, transportée dans une base militaire à la sortie de la ville, plusieurs kilomètres plus loin, et remontée près d’un bâtiment faisant office de centre administratif du point de contrôle Qalandiya de Jérusalem-Est.

«Au début, je l’appelais mon mur», blague Mme Beauparlant. Un des beaux défis de sa carrière? Sans doute, répond-elle. «Mais dans Incendies, la scène de l’autobus nous a pris un mois de travail, dit-elle. Et recréer la «sniper alley» dans le même film était aussi tout un défi.»

À la fin du tournage, le mur a été cédé à un ferrailleur d’Amman.