Le cinéaste allemand Werner Herzog a présenté public de la Berlinale la série documentaire Death Row, deuxième round de son combat contre la peine de mort aux États-Unis entamé l'an dernier avec Into The Abyss.

Dans Into the Abyss Herzog se focalisait sur un fait divers, mais avec Death Row -- quatre documentaires de 47 minutes chacun diffusés intégralement lundi soir --, il a voulu élargir sa réflexion.

«Il n'y a aucun débat possible sur le fait qu'un être humain ne devrait pas pouvoir être exécuté par un État, quelle qu'en soit la raison», a-t-il martelé lors d'un débat avec le public au terme de la projection.

Et pour exposer clairement son combat, il a choisi des affaires qui n'ont rien à voir avec des enfants de coeur ou de victimes d'erreur judiciaire.

«J'ai essayé d'étudier les affaires, mais aussi les personnalités, pour avoir une sorte d'éventail de possibilités», a-t-il raconté. «Tourner un documentaire (...) c'est très semblable au tournage d'un film, il faut avoir la bonne distribution».

Le premier criminel présenté, James Barnes, a été condamné pour deux meurtres dont celui de sa femme, il en a revendiqué deux autres, et laissé entendre qu'il avait commis d'autres crimes impunis. Il a tout du tueur en série de films hollywoodiens, intelligents, sans remords, manipulateur.

À lui comme aux autres, Herzog explique dès les premières secondes qu'il n'est pas venu pour les défendre et qu'il n'est pas obligé de les aimer non plus.

Il replace ses sujets dans leur parcours, leur vie, pour montrer que si leurs méfaits sont monstrueux, eux ne sont pas pour autant des monstres.

Il reprend ainsi une procureure qui lui reproche de vouloir «humaniser» Linda Carty, une femme qui a tué sa voisine pour lui voler son enfant: «je n'ai pas à l'humaniser, c'est un être humain, point final».

Ces manières directes ont créé un bon contact avec les détenus du couloir de la mort, a assuré le réalisateur.

Contrairement à leurs avocats, qui tente de les rassurer, ou à leurs familles, souvent éplorées, «ils m'ont tous apprécié parce que j'étais si franc (...) même s'il y avait bien sûr aussi le risque que l'entretien s'achève au bout de deux minutes», a-t-il reconnu.

Herzog a tourné au Texas et en Floride, deux des 16 États américains qui pratiquent activement la peine de mort -- contrairement à 18 autres dans lesquels elle existe sans être appliquée --, car ils sont ouverts vis-à-vis des médias.

Les entretiens avaient des contraintes strictes: «nous avions dix minutes pour mettre la caméra en place, et 50 pour parler» au condamné. «Il fallait trouver le ton juste tout de suite ou cela risquait de rater».

Cela lui permet de recueillir des témoignages forts, comme celle de George Rivas, qui voit son exécution prochaine pour le meurtre d'un policier lors d'une cavale comme «une libération» à côté des 31 condamnations à perpétuité qu'il purgeait auparavant.

Paradoxalement, ce ne sont pas les tournages en milieu carcéral, parfois à travers une vitre, un grillage, ou par le biais d'un téléphone, qui ont été le plus difficile, a-t-il également révélé.

«C'est seulement quand vous vous asseyez pour faire le montage que tout d'un coup, vous avez le temps, et vous regardez tout, et c'est là que ça vous frappe de plein fouet», a poursuivi Herzog.

Son monteur habituel et lui ne pouvaient travailler que «cinq heures par jour au lieu de huit habituellement» sur les autres productions. Et malgré toute la distance mise avec son sujet, «ce n'est pas comme si cela ne laissait pas de traces».