Avec leur polar animé faisant la part belle au dessin à la main et aux lumières crayonnées, les auteurs-réalisateurs du film français Une vie de chat apportent une touche inattendue à la course à l'Oscar du meilleur film d'animation, dominée par la production américaine.

Le film du studio Folimage, installé dans le sud de la France, près de Valence -- et déjà producteur de La Prophétie des grenouilles (2003) et de Mia et le Migou (2008) -- ne bénéficie certes pas du même plan marketing que son compatriote The Artist, en lice pour dix statuettes.

Mais il contribue à donner à la cuvée 2012 des Oscars une «French touch» unique dans l'histoire de la compétition.

«On était très surpris» par cette nomination, raconte à l'AFP Jean-Loup Felicioli, coréalisateur d'Une vie de chat avec Alain Gagnol. «On trouvait notre film plutôt petit par rapport à ce qui était présenté et on ne s'imaginait pas là-dedans».

Le 26 février au Kodak Theatre, le duo n'aura pas la partie facile. Il sera face à deux poids lourds hollywoodiens du secteur, Dreamworks (Kung Fu Panda 2 et Puss in Boots) et Paramount (Rango), ainsi qu'à un autre outsider, le Chico & Rita des Espagnols Fernando Trueba et Javier Mariscal.

«L'idée de départ était de faire un film noir pour enfant, d'abord parce que j'ai écrit plusieurs "Série Noire" et aussi parce qu'on aime tous les deux beaucoup les polars en littérature et au cinéma», déclare à l'AFP Alain Gagnol, le scénariste du duo.

Le film suit donc les aventures d'un chat, sage animal de compagnie d'une commissaire de police le jour, et complice d'un cambrioleur virtuose la nuit.

«La vision d'un cambrioleur sur les toits de Paris avec un chat, c'était une idée assez graphique. Et ça me paraissait très cohérent: un chat ça ne fait absolument aucun bruit, donc ça va bien avec un voleur», ajoute M. Gagnol.

Côté visuel, face à une animation américaine où l'usage de l'ordinateur règne en maître et repousse sans cesse les frontières créatives, Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol ont choisi de rester fidèles au dessin à la main.

«L'ordinateur est présent dans notre travail, mais ce qu'on privilégie, c'est le travail de la main. On ne met jamais l'ordinateur en avant», explique M. Felicioli. «L'animation est faite sur papier, à la main et les lumières sont crayonnées, ce qui est un énorme travail. Les décors sont aussi faits à la main sur papier, à la craie, puis retravaillés sur ordinateur», dit-il.

Le résultat est visuellement aussi séduisant qu'original, avec des cadrages étonnants, jouant sur les fausses perspectives ou une abstraction revendiquée.

«Dans l'image, ce qui m'intéresse c'est la partie abstraite, composer l'image et pouvoir la tordre pour aboutir à des cadrages et des compositions plus fortes», observe M. Felicioli.

«J'ai plein d'influences», dit-il. «Certaines me viennent de la BD et d'autres de la peinture: Modigliani, Matisse, la peinture flamande du 15e siècle, très décorative, très colorée, aux perspectives un peu bizarres».

Un style qu'il cultive depuis ses débuts et qu'il a peaufiné avec Alain Gagnol dans leurs quatorze courts métrages.

«Nous avons créé un univers particulier», observe Alain Gagnol. «Depuis notre premier court métrage, nous avons adopté une ligne qui a perduré. Il y a des microchangements, chaque film a sa propre couleur mais globalement, nous sommes dans le même univers».