24 heures top chrono. Pourtant, Kiefer Sutherland n'apparaît pas à l'écran. Il n'y a ni suspense ni récit. L'action la plus fréquente montre un personnage regardant sa montre, mais les «vedettes» se nomment Bulova, Rolex, Casio, Timex et Big Ben.

Avec The Clock, une installation vidéo d'une durée de 24 heures sur la thématique du temps au cinéma, l'artiste contemporain Christian Marclay propose une projection-fleuve sans une goutte d'ennui! Cette oeuvre magistrale rend hommage au septième art, sans être un film.

>>>>Lisez The Clock: réfléchir à la vie qui passe.

The Clock n'est pas conçue pour être vue d'un trait. Lors d'une séance de plusieurs heures, toutefois, le spectateur vivra une expérience hors du commun, d'abord intellectuelle, puis philosophique, mais aussi physique.

L'oeuvre n'a ni début ni fin et se compose de milliers d'extraits de films mettant en scène le temps, en temps réel. Pratiquement toutes les minutes des 24 heures de la projection apparaissent sur une horloge, une montre, un ordi, donnant toujours «l'heure juste» au spectateur, assis, de préférence, sur un divan douillet faisant partie de l'installation.

The Clock n'est pas une oeuvre cinématographique. Les cinéastes ont appris à contracter ou étirer le temps fictif à l'aide de stratagèmes comme les flash-back ou les scènes oniriques. Christian Marclay parvient, sans gadget narratif, à faire paraître chaque minute plus longue, tout en nous donnant l'impression, trois heures plus tard, que le temps s'est arrêté.

En près de 12 heures de visionnement discontinu, le représentant de La Presse a pu voir, vers minuit quinze, Michel Côté dans C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée. Plusieurs grands films et réalisateurs sont évoqués - David Cronenberg, Orson Welles, Carl Dreyer, Fritz Lang, David Lynch, Alfred Hitchcock, Jean-Luc Godard - même si les extraits renvoient surtout à des films méconnus.

La logique de l'assemblage est rarement narrative. La musique, les sons, les regards, les accessoires servent davantage de matière à raccord. Christian Marclay y va aussi de quelques faux suspenses créés de toutes pièces. The Clock fonctionne ainsi à plusieurs niveaux. Le cinéphile s'amusera d'abord à reconnaître les acteurs et les titres des films. Mais comme toute oeuvre d'art contemporain, The Clock nous questionne constamment sur notre perception du temps, de l'oeuvre d'art et de notre position de spectateur.

Expérience envoûtante

Par un curieux phénomène, plus le temps passe, moins il devient important. Au début, l'absence de récit peut déranger, mais la chose perd de son intérêt. Tout au long de la projection, on réfléchit à notre rapport au temps, notre passage dans le temps, le temps au quotidien, le temps perdu, gagné, le temps de réflexion et d'action.

Puis, on sort deux heures pour dîner et, étrangement, l'on a hâte de retourner dans ce temps précis comme une horloge, situé... en dehors du temps! L'expérience devient envoûtante. Le montage astucieux et rythmé de l'oeuvre finit par nous rattraper.

Christian Marclay fait de nous des prisonniers du temps. Il nous place devant le paradoxe humain par excellence, celui de notre mortalité. Même si nous tentons d'arrêter le temps, de l'enfermer dans de petites boîtes, c'est lui qui contrôle nos vies. Hors des saisons, des attentes, des inquiétudes et des espoirs rythmés par le temps, que sommes-nous? Et qu'est-ce que le temps?

La réponse pourrait se traduire ainsi: le temps est un ogre qui nous mordille malicieusement, nous gobe tout rond et nous avale vivant. Sans remords.

The Clock, au Musée des beaux-arts du Canada. L'oeuvre peut être visionnée du mardi au dimanche de 10 h à 17 h jusqu'au 25 mars. Des présentations spéciales de 24 heures sont prévues les 1er, 8, 15 et 22 mars, de 10 h le jeudi à 17 h le lendemain.