Après les petites annonces et les services téléphoniques de rencontre, les médias sociaux constituent-ils de meilleurs outils pour trouver l'âme soeur? Ou ne font-ils qu'ajouter une brique dans la façade d'une fausse identité? C'est ce chemin qu'explore le réalisateur Ivan Grbovic dans Roméo Onze.

Rami cherche l'amour. Noble intention. Mais pour le trouver, il utilise les mauvais outils. Dont le mensonge.

Rami (Ali Ammar) est timide. Caractère lié à sa vie familiale, plutôt rigide, à son manque de confiance en lui et à son handicap physique. Alors que sa soeur Sabine (Sanda Bourenane) s'éclate dans des fêtes de jeunes gens qui feraient rougir ses parents (s'ils savaient!!), Rami s'amourache secrètement d'une jeune femme courtisée sur les médias sociaux. Lorsqu'il la rencontre face à face, la vérité lui éclate au visage. Et à celle du spectateur.

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Il serait faux de croire que le handicap est ici la seule raison de la timidité du jeune homme issu de la communauté libanaise de Montréal. Comme il serait faux de croire qu'il n'est pas responsable de ses actes. Il l'est. Il a choisi de se construire une image idéalisée de lui-même. Mais au fond, qui ne le fait pas?

«Il est plus facile de s'échapper, de vivre une autre vie aujourd'hui qu'il y a 100 ans, dit le réalisateur et coscénariste Ivan Grbovic qui signe ici un premier long métrage. Et c'est clair que les médias sociaux facilitent l'histoire que nous voulions raconter, celle de vouloir être quelqu'un d'autre.»

«On évoque beaucoup la question des informations non contrôlées sur l'internet, mais il y a aussi un grand contrôle, enchaîne Sara Mishara, coscénariste et directrice photo. Les gens contrôlent l'image qu'ils construisent sur Facebook. Ils choisissent leurs photos, leurs pensées, ce qui façonne leur image. Et on le fait tous! En ce sens, Rami, le personnage principal n'est pas une exception.»

Citant l'exemple de Cyrano de Bergerac, le réalisateur est conscient que le thème n'est pas neuf. Mais il a aussi voulu explorer l'effet miroir du thème: la perception. «Au départ, Rami avait les allures d'un étranger. Mais en écrivant le scénario, j'ai réalisé que ça pourrait être quelqu'un que je connais et qui serait proche de moi, dit-il. Le handicap physique n'est aucunement une façon de me dissocier de lui. Ce que Rami vit (manque de confiance, timidité, problèmes de communication avec ses parents), tout le monde, je crois, le vit de 15 à 22 ans.»

Montréal romantique

Ali Ammar, qui défend le rôle principal, est d'origine libanaise. Même si l'histoire de Rami n'est pas la sienne, les ressemblances sont frappantes.

«Certains prétendent que l'école secondaire est la plus belle époque d'une vie. Pour moi, elle a été la plus difficile, relate le jeune homme de 23 ans. Tu cherches constamment à être comme les autres. Car si tu es différent, tu es mis de côté. Ce que je retiens du film est que tu peux passer beaucoup de temps à vouloir être un autre, mais qu'au fond, c'est à toi de trouver le bonheur. Dans la scène finale, lorsque je lève le torse, je le fais tout seul. Personne ne va y aller à ma place.»

Très attachés à Montréal, Ivan Grbovic et Sara Mishara ont recruté de nombreux comédiens non professionnels et figurants - tel Ali - dans les communautés culturelles de la ville. Ils ont filmé celle-ci avec un regard neuf.

«Nous voulions faire un film chaleureux. Montrer Montréal d'une façon un peu romantique, dit Sara Mishara. Jusqu'à maintenant, je n'avais pas été appelée à faire cela. À mon sens, le film a un certain romantisme réaliste. Je voulais montrer cela tout en laissant le plus de place possible aux comédiens. Le défi était donc d'avoir une image travaillée tout en s'assurant que la technique n'allait jamais déranger les gens sur le plateau.»

Produit par Reprise Films et distribué par Métropole, Roméo Onze prend l'affiche le 9 mars.