Voyez comme ils dansent, un film entièrement tourné au Québec, ne sera pas le tout dernier film de Claude Miller. Le cinéaste, disparu mercredi à 70 ans des suites de la maladie, a quand même eu le temps de tourner Thérèse D., une adaptation du roman de François Mauriac, Thérèse Desqueyroux.

Les têtes d’affiche de cet ultime long métrage sont Audrey Tautou et Gilles Lellouche. En France, Thérèse D. devrait sortir l’automne prochain. Une rumeur qui circule veut que ce film pourrait être présenté au Festival de Cannes le mois prochain.

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Le Québec accuse un peu de retard dans la filmographie du réalisateur de Mortelle randonnée. Sorti le 3 août 2011 dans l’Hexagone, Voyez comme ils dansent n’a toujours pas fait l’objet d’une présentation dans le pays où il a été tourné. Il est vrai que cette adaptation d’une nouvelle de Roy Parvin, dans laquelle on retrouve notamment Yves Jacques et Anne-Marie Cadieux, fut accueillie plutôt sèchement par la critique française.

Le public ne s’est guère montré enthousiaste non plus. La barre des 50 000 entrées n’a pu être franchie. Selon les Films Séville, qui détient les droits de distribution du film sur notre territoire, Voyez comme ils dansent devrait en principe prendre l’affiche l’automne prochain chez nous. Selon le comédien Yves Jacques, le film aurait été mal reçu en France en raison de son mauvais calendrier de sortie.

« Il y a eu un bras de fer entre Claude et le producteur qui a diffusé le film en plein mois d’août. À ce moment de l’année, il n’y a que les gros blockbusters qui marchent en France », a déclaré celui qui interprétait le chef de train dans le film. Il espère que l’œuvre aura une « autre lecture » à sa sortie au Québec.

« Claude adorait venir tourner au Québec. Pour Voyez comme ils dansent, il avait beaucoup apprécié le travail de l’équipe technique », précise-t-il.

Yves Jacques aura joué dans huit productions réalisées par Claude Miller, parmi lesquelles Thérèse D., qui restera le testament cinématographique du réalisateur de La classe de neige.

« Ce que j’apprécie dans ses films, c’est que Claude n’aimait pas la gentillesse et la mièvrerie, dit-il. Ses films étaient teintés d’une certaine cruauté dans la vérité. Et c’étaient des œuvres de peu de paroles, ce qui me plaisait beaucoup. »

L’acteur a vu Claude Miller pour la dernière fois à Paris il y a environ un mois. Samedi, il retournera dans la Ville lumière, où il participera à la cérémonie d’adieu qui sera rendue à Miller dans quelques jours.

« Claude était un être humain merveilleux, poursuit le comédien québécois. Sur le plateau, il était très calme, très humain. Je retrouvais chez lui le pendant français de Denys Arcand. »

À l’ombre des grands

Claude Miller a servi longtemps à l’ombre des grands cinéastes de sa jeunesse avant de se lancer à son tour dans la réalisation, à l’affût des sentiments intimes et de la noirceur des âmes, servi par les meilleurs acteurs du moment.

Le cinéaste a signé quelques-uns des plus grands succès du cinéma français de la décennie 80 avec Garde à vue, Mortelle randonnée, L’effrontée, s’attachant avec l’âge à des personnages de plus en plus féminins.

Parisien, fils d’un employé du cinéma mythique des grands boulevards, le Grand Rex, Claude Miller, né le 20 février 1942 au cœur de la guerre, de parents juifs, a étudié à l’IDHEC, la grande école du cinéma français. Ce savoir-faire lui vaut de travailler comme assistant pour Marcel Carné, Robert Bresson, Jacques Demy, Jean-Luc Godard et François Truffaut.

Après avoir exercé à peu près tous les métiers du cinéma, et signé plusieurs courts métrages, il réalise son premier film, La meilleure façon de marcher (1976) avec un Patrick Dewaere porté par sa beauté insolente et virile. Il enchaîne l’année suivante avec Dites-lui que je l’aime en 1977 (Gérard Depardieu, Miou-Miou). Mais son premier grand succès vient avec Garde à vue (1981), huis clos avec Lino Ventura, Michel Serrault et Romy Schneider.
Il retrouve le polar sombre dans Mortelle randonnée (1983) avec Isabelle Adjani en tueuse et Michel Serrault qui la traque, à la fois flic et ange gardien, pensant avoir reconnu sa fille.
Claude Miller détestait les bons sentiments, fuyant les personnages héroïques et les gens heureux : « La gentillesse m’ennuie », disait-il.

« J’ai beaucoup de mal à écrire des scénarios originaux, avait-il expliqué à l’AFP en 2007. Je sais commencer une histoire, mais cela m’est généralement difficile de la clôturer, parce que la mort est souvent le terme d’un récit. »

— Avec André Duchesne et AFP