À perdre la raison est la descente aux enfers de Murielle, jouée par une touchante Émilie Dequenne, prise en étaux par le couple du Prophète d’Audiard, Tahar Rahim et Niels Arestrup. Un film inspiré d’un fait divers sordide présenté à Cannes dans Un certain regard.

Murielle et Mounir (Tahar Rahim) s’aiment passionnément. Ils décident de se marier. Tout naturellement, Mounir en parle à son père de coeur, le docteur Pinget (Niels Arestrup) qui a fait un mariage blanc avec sa mère et chez qui il vit depuis l’enfance une existence confortable et protégée.

Les jeunes mariés s’installent chez lui, font un bébé, puis deux, puis trois, puis quatre. Dans ce drôle de ménage à trois avec enfants, Murielle va se perdre, suffoquer et dépérir doucement jusqu’à ne plus pouvoir. C’est l’histoire de cette gangrène psychologique qu’explore le film, cinquième long métrage du Belge Joachim Lafosse, dans les salles françaises le 5 septembre.

«C’est un film de mensonges. Tout le monde porte des masques», a confié à l’AFP Tahar Rahim qui voit son personnage comme «un faible qui essaye de jouer les forts».

«Le personnage de Mounir est tiraillé entre l’envie de répondre à la générosité de son protecteur et en même temps de satisfaire le désir de sa femme. En voulant ne déplaire à aucun des deux, c’est comme ça qu’il crée le drame», estime, quant à lui, le réalisateur.

Sur ses retrouvailles cinématographiques avec Niels Arestrup, son codétenu d’Un prophète de Jacques Audiard qui avait enchanté la Croisette en 2009 et remporté le prix du jury, Tahar Rahim explique avoir «essayé d’explorer de nouvelles choses, un rapport paternel qui n’existait pas dans Le prophète.

«C’était plus un rapport de maître-esclave, c’est comme ça qu’on l’avait pensé, et là, il y a une frustration, de l’amour et quelque chose d’inhibant, comme si la main de velours de Pinget au-dessus de la tête de Mounir l’empêchait de grandir».

Pour Joachim Lafosse, «choisir Niels et Tahar, c’était une manière de dire aux spectateurs: «Vous êtes au cinéma» puisque c’est déjà un couple de cinéma. J’aimais aussi l’idée d’y plonger au milieu Émilie».

À ses yeux, «c’est un film pour être ému, pour être bouleversé mais aussi pour donner du sens» à ce drame familial.

Le docteur Pinget est «encore un petit garçon qui croit qu’il ne peut être aimé que s’il donne des bonbons dans la cour de récré». En retour, il «oublie de respecter l’intimité» du jeune couple ce qui «instaure des relations assez nocives», explique le réalisateur de 37 ans, voyant «dans cette situation familiale hors norme» la trame pour «tisser une tragédie» et une réflexion sur «la question des limites».

«Comme dans toute tragédie, ça commence par une histoire d’amour. Initialement, chacun des protagonistes n’a que des bonnes intentions. C’est une succession de transgressions et de refus des limites qui mène au drame», juge-t-il, y voyant aussi une réflexion «sur la difficulté parfois à gérer des cadeaux, des dons qui rendent l’existence et la dette invivables».