Vingt-quatre heures après son compatriote Denis Villeneuve, Philippe Falardeau a eu l'occasion de lancer à son tour son nouveau film à la Mostra. The Bleeder risque de souffrir des inévitables comparaisons avec les autres « films de boxe », mais il demeure néanmoins engageant. Et fort honorable.

Dans l'oeuvre de Philippe Falardeau, The Bleeder s'inscrit différemment, c'est vrai. Présenté vendredi à la Mostra de Venise, où il a été sélectionné hors concours, ce drame sportif est dénué de tout enjeu social ou politique. Le réalisateur de Guibord s'en va-t-en guerre, aussi amateur de sports, n'en a pas mis moins du sien pour autant. Son approche peut parfois surprendre, surtout dans la peinture du milieu qu'il décrit, mais son attention aux personnages reste toujours aussi délicate.

Inspiré de la vie de Chuck Wepner, un boxeur qui a connu son heure de gloire dans les années 70 en résistant à Muhammad Ali pendant 15 rounds lors d'un combat, The Bleeder décrit le parcours d'un homme qui se laisse dériver par sa fausse gloire. Falardeau évoque la déchéance du personnage dès le départ alors que, devenu pratiquement une bête de cirque, celui qui aurait inspiré Sylvester Stallone pour le personnage de Rocky monte sur le ring pour combattre... un ours !

Cela dit, la trajectoire du personnage emprunte quand même une direction plus inattendue. Dans la mesure où cet homme, facilement tombé dans tous les excès (sexe, drogue et... disco !), aura la chance de se refaire complètement, grâce à une nouvelle rencontre amoureuse.

RETOUR AUX ANNÉES 70

Visiblement, Philippe Falardeau prend plaisir à recréer les années 70, allant même jusqu'à utiliser un grain d'image qui évoque les films de cette époque. Les combats sont filmés de façon réaliste, parfois même brutale (Liev Schreiber a encaissé environ 800 vrais coups, a-t-on appris), et le choix musical évoquera des souvenirs à tous ceux qui ont vécu leur adolescence pendant cette période, selon leur position personnelle - bonne ou cauchemardesque - envers les (nombreux) tubes disco.

Tourné avec un budget minimaliste (environ cinq millions de dollars américains), The Bleeder est un film fort honorable, qui s'inscrit toutefois dans un genre déjà très encombré. À cet égard, le film cite souvent Requiem for a Heavyweight, film avec Anthony Quinn, dont Wepner connaît les répliques par coeur. Il est toutefois clair que The Bleeder ne vise pas le même genre de spectacle à grand déploiement que tous les Rocky et les Creed de ce monde. Ici, le portrait est quand même plus intime.

Ce long métrage bénéficie aussi grandement de la performance de Liev Schreiber. L'acteur parvient à évoquer parfaitement la nature innocente - et la sensibilité - d'un homme dont l'unique mode d'emploi est celui qu'il a appris dans les rues rudes de Bayonne, au New Jersey.

PLUS QU'UN FILM DE BOXE

Rencontré vendredi après une série d'entrevues accordées à la presse italienne, Philippe Falardeau disait être fort satisfait de son film, même s'il doit combattre l'étiquette de « film de boxe » qu'on lui accole.

« Je ne veux pas nier du tout cet aspect-là, mais je trouve que ça limite le film à une catégorie un peu réductrice, dit-il. À mes yeux, The Bleeder aborde davantage les thèmes du narcissisme et des périls de la célébrité. C'est aussi la belle histoire d'un homme qui a droit à une deuxième chance grâce à l'amour ! »

Le cinéaste ne cache pas sa surprise d'avoir eu droit à une sélection hors concours à la Mostra. Venise est d'ailleurs le seul des quatre grands festivals de cinéma internationaux qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de fréquenter. Habitué du TIFF, où il a pratiquement présenté tous ses films, il se rendra aussi dans la Ville Reine dans quelques jours.

« J'avoue avoir été étonné quand j'ai appris que Venise voulait présenter The Bleeder. En même temps, je trouve que je me peinture un peu dans le coin en disant ça. Je suis peut-être le pire juge de ce qu'est un film de festival. Ou pas. »

UN PROGRAMME CHARGÉ

Arrivé jeudi dans la Cité des Doges, Philippe Falardeau doit respecter un horaire très chargé. Hormis une soirée sélecte à laquelle il a pu assister grâce à une invitation de Naomi Watts le jour de son arrivée, le cinéaste n'a strictement rien vu de la ville.

« Mais cette randonnée en bateau le soir m'a quand même permis de constater à quel point cet endroit est magique ! Dès le lendemain, on est venu me chercher à 6 h 30 du matin afin que je puisse me rendre à la Sala Grande. Il fallait vérifier la qualité du son, vérifier aussi la qualité des sous-titres italiens. Ces vérifications sont importantes. Je me souviens qu'à Locarno, une séance comme celle-là nous avait permis de constater que les sous-titres italiens étaient placés n'importe comment. Je redoute toujours un peu cette épreuve. Mais là, tout était bien en place. »

Ensuite, une longue série d'interviews, sans oublier la conférence de presse de l'équipe du film, était prévue au programme d'une journée qui a culminé avec la projection de gala, vendredi soir à 22 h.

« Si je me fie aux rencontres avec les journalistes italiens, je constate que l'Amérique les fascine encore beaucoup, fait remarquer le cinéaste. Ils m'ont dit avoir été étonnés d'avoir été émus par le film par moments. Ça m'a agréablement surpris. »

Une autre journée d'interviews, cette fois avec la presse internationale, est prévue aujourd'hui.

Signalons par ailleurs que les logos de Téléfilm Canada et de la SODEC apparaissent à la fin du générique de The Bleeder, qui est pourtant une production entièrement américaine. Une partie de l'équipe étant québécoise, cette mention serait liée au programme des crédits d'impôt.