À quatre jours du palmarès de la Mostra de Venise, le documentaire The Look of Silence et le film d'ouverture Birdman étaient vus mardi comme favoris de la compétition, qui a vu l'entrée en lice du dérangeant film du Japonais Shinya Tsukamuto, Nobi.

«Tout se passe bien, on a déjà vu de très bons films», a déclaré à l'AFP, entre deux projections, le compositeur français de musiques de films Alexandre Desplat, qui préside le jury de cette 71e édition de la Mostra.

Quelques poids lourds sont encore à venir d'ici à samedi, jour de clôture, dont le très attendu Pasolini d'Abel Ferrara, qui sera projeté jeudi et qui pourrait venir bouleverser le classement de la chasse au Lion.

Annoncé comme «onirique» et «visionnaire», «entre réalité et fantasme», ce biopic, qui s'intéresse aux dernières heures troubles de la vie du poète, auteur et réalisateur italien, homosexuel et marxiste, Pier Paolo Pasolini, pourrait bien enfiévrer un Lido un peu abasourdi par une semaine de guerres, de crises et autres calamités du monde.

Cela ne s'est pas arrangé lundi soir avec l'entrée en lice du Japonais Shinya Tsukamuto et de son provoquant Nobi (Fires on the Plain), torrent d'hémoglobine, d'amputations, de chairs déchiquetées et même de cannibalisme à vous donner la nausée.

Du reste, la salle trop petite au départ pour accueillir tous les spectateurs (professionnels ou non) s'est vidée au cours des 87 longues minutes que dure ce supplice pour les yeux.

À la grande surprise d'un public majoritairement occidental, le film a toutefois été applaudi par un groupe de fans japonais du réalisateur, considéré comme le chef de file nippon du mouvement cyberpunk, genre de la science-fiction qui décrit des mondes violents et décadents.

Mais on aurait tort d'écarter Shinya Tsukamuto de la course au titre. D'autant qu'avant ce dernier, sept de ses films avaient été projetés à Venise dans des sections diverses et que deux avaient été primés, en 2002 (Prix spécial du jury) et en 2011 (catégorie «Orizzonti», dédiée au cinéma d'avant-garde).

Critiques contre public

Mardi, c'était encore The Look of Silence, poignant documentaire sur l'épuration anticommuniste de 1965 en Indonésie, de l'Américain Joshua Oppenheimer, qui était le préféré des critiques dans un classement établi par une dizaine de quotidiens italiens.

Côte public, ce dernier était toutefois devancé par Birdman, du Mexicain Alejandro Gonzales Inarritu, qui avait ouvert le festival.

L'ex-«Batman» de Tim Burton, Michael Keaton, y incarne justement un acteur célèbre pour avoir porté le costume d'un superhéros mais aujourd'hui sur le déclin, et décidé à renouer avec sa gloire passée en montant un spectacle à Broadway.

Naomi Watts et Edward Norton sont également à l'affiche de cette comédie dramatique dans laquelle Michael Keaton, 62 ans, retrouve un rôle à la mesure d'un grand festival, dix-sept ans après Jackie Brown de Quentin Tarantino.

Autre long métrage attendu mardi, celui du Suédois Roy Andersson au titre imprononçable - En duva satt pa en gren och funderade pa tillvaron, traduisez Un pigeon assis sur une branche réfléchit sur l'existence -, un vagabondage sur l'absurdité et le sens de la vie à travers les yeux d'un vendeur d'articles de fantaisie et son ami atteint de troubles psychologiques.

La journée sera marquée par la remise du deuxième Lion d'or de la semaine pour l'ensemble d'une carrière.

Après le documentariste américain Frederick Wiseman, vendredi, c'est sa compatriote, la monteuse Thelma Schoonmaker, collaboratrice historique de Martin Scorsese qui sera récompensée dans la grande salle du Palais du cinéma.

Âgée de 74 ans, Thelma Schoonmaker a rencontré Scorsese en 1967 sur le tournage de Who's That Knocking at My Door.

Elle a ensuite monté tous les films du cinéaste à partir de 1980, dont Raging Bull (1980), The Aviator (2004) ou The Departed (2006), obtenant pour chacun d'eux l'Oscar du meilleur montage.