Le grand réalisateur israélien Amos Gitaï a réalisé Ana Arabia, son dernier film d'un seul plan-séquence en compétition mardi à la Mostra de Venise, parce que «la paix n'est pas une équation parfaite mais une décision», a-t-il déclaré dans un entretien à l'AFP.

«Avec Ana Arabia nous voulions relever le défi de créer un plan-séquence de 81 minutes. Ca signifie qu'il n'y a pas de coupes parce que je ne veux pas qu'il y ait une coupure des relations entre les Juifs et les Arabes, entre les Palestiniens et les Israéliens», a déclaré M. Gitaï en français.

«Il faut qu'on trouve une façon de coexister. Il ne s'agit pas de faire de l'angélisme, nous sommes tous des contradictions (...) mais pour moi la paix n'est pas une équation parfaite, c'est un choix personnel de gens qui veulent régler des conflits normaux sans tuer», a-t-il ajouté.

Ana Arabia (Moi l'Arabe) s'appuie sur l'histoire vraie d'une rescapée de la Shoah, toujours vivante, convertie à l'islam et mariée à un Arabe de Oum El-Fahem (Israël), qui a caché pendant plus de 50 ans à sa famille musulmane sa naissance dans le camp de concentration d'Auschwitz.

À partir de cette histoire inspirée à Amos Gitaï, de son propre aveu, par une dépêche de l'AFP Jérusalem (signée de Majeda El-Batsh) et de son travail documentaire de 30 années sur une petite communauté de Haïfa, sa ville natale, où Arabes et Juifs coexistent, le cinéaste nous entraîne dans un univers contemporain.

Coexistence

Il filme en continu Yael (Yuval Scharf), une jeune journaliste issue de la bourgeoisie israélienne, qui vient enquêter sur l'histoire bouleversante de l'Israélienne Hannah Klibanov devenue Siam Hassan et décédée depuis peu -- la vraie protagoniste, Leïla Jabbarine, est toujours vivante -- dans l'enclave où elle a vécu, à la frontière entre Jaffa et Bat Yam en Israël.

Mais en arrivant dans l'ensemble d'habitations modestes, reliées les unes aux autres par de petits passages, elle découvre le quotidien, les échecs, les peines, joies et amours de Juifs et d'Arabes qui vivent ensemble en paix depuis longtemps.

«Elle est comme nous, comme le spectateur qui entre dans cette enclave. Elle pose les questions que nous nous posons», poursuit Amos Gitaï qui met en scène la journaliste aux côtés d'acteurs professionnels israéliens et palestiniens qui parlent un mélange d'hébreu et d'arabe (Yussuf Abu Warda, Sarah Adler, Assi Levy, Uri Gavriel, Norman Issa, Shady Srur).

«Le Moyen-Orient est (arrivé) à un stade terrifiant de brutalité, d'abus des droits de l'homme, d'épuration ethnique (...). Avec Ana Arabia on simule (par le biais de la fiction cinématographique, ndlr) l'autre option», explique le réalisateur, connu pour les films très engagés qu'il a tournés en 40 ans de carrière, en explorant tous les registres.

«Il faut, à un moment donné, arrêter cette bagarre infinie dont on ne comprend plus le sens. Et il faut que le cinéma prenne part à ce dialogue, pose les questions nécessaires. C'est le sens du film», ajoute-t-il.

«Cinéastes, artistes, écrivains, il faut que nous posions des questions et que nous trouvions les moyens de fiction pour dire qu'il y a une coexistence possible», a-t-il répété à propos du conflit syrien.