Nicolas Cage alias Joe, long-métrage du réalisateur américain David Gordon Green, a fait sensation vendredi à la Mostra de Venise dans le rôle d'un voyou messianique barbu en quête de rédemption.

Le film, basé sur un roman éponyme de l'Américain Larry Brown, choniqueur méconnu du Rough South américain (Sud rude et brut) dans la lignée d'un Cormac Mc Carthy, est en compétition pour le Lion d'or qui sera décerné le 7 septembre.

Dans ce film très sombre et lourd de tout le poids d'une société peuplée de personnages violents, en survie permanente, évoluant dans un décor délabré, rural et misérable, Nicolas Cage campe un ex-taulard, qui va se racheter par amour et transmettre l'espoir d'une vie meilleure à un courageux adolescent, maltraité par son père alcoolique, malmené par la vie.

Le film met en scène l'Amérique défavorisée que l'on voit rarement au cinéma. Le réalisateur a d'ailleurs eu recours à un  SDF, Gary Poulter, acteur non professionnel, pour incarner le père alcoolique de l'adolescent que Joe va aider (Tye Sheridan vu notamment dans The tree of life de Terrence Malick). Gary Poulter crève l'écran. Il est décédé tragiquement en 2013, avant la sortie du film en salles.

Devant la presse, le réalisateur a dit que «cette belle personne avait largement contribué à la réussite du tournage et apporté quelque chose d'introuvable ailleurs qu'en lui, lui donnant sa note d'humanité».

Joe raconte l'histoire de Joe Ransom, quinquagénaire célibataire qui essaie d'oublier son passé en menant une vie tranquille dans une petite ville du Texas. Le jour, il travaille pour une société d'abattage d'arbres, la nuit, il boit. Un jour il rencontre Gary (Tye Sheridan), adolescent de 15 ans qui cherche désespérément du travail pour faire vivre sa famille, sa mère apathique, son père alcoolique et criminel qui le bat, et sa soeur cadette, qui a cessé de parler. Dans cette rencontre et le lien affectif très fort qu'elle engendre, Joe saisit l'occasion de racheter ses crimes passés en devenant le protecteur et le mentor du jeune homme.

Avec sa barbe poivre et sel, ses bras tatoués, sa petite bedaine et son regard franc, Nicolas Cage incarne un Joe Ransom bouleversant d'authenticité tout comme son jeune acolyte Tye Sheridan. Tête brûlée adepte des armes à feu, toujours en délicatesse avec la justice, accompagné de son pitbull, il incarne un archétype de la masculinité brute. «Je cherchais un acteur qui puisse lui donner cette authenticité. Il se dégage de Nick (Cage) une force et une vulnérabilité, un charisme», a poursuivi le réalisateur.

«Je ferais quatre sauts de la mort avec lui parce qu'il est prêt à sortir de la zone de sécurité, et à se mettre à nu», lui a répondu l'acteur oscarisé de Leaving Las Vegas, rasé de près à Venise et vêtu d'une veste bleu roi sur chemise blanche.

Le comédien a ajouté avoir reçu le roman de Larry Brown comme «une révélation». «C'est un parcours vers la rédemption, vers le salut, j'ai beaucoup aimé le personnage de Joe», a-t-il ajouté parlant d'un «lien intuitif immédiat d'amour avec son jeune acolyte, Tye Sheridan, qui n'a pas besoin d'être forcément un lien de sang pour exister».

David Gordon Green réussit à camper des personnages ordinaires avec une dimension mythique et universelle. La caméra filme avec une infinie précision et souvent de nuit, leur intimité sans fard dans un paysage peuplé de champs, maisons en ruine et d'une voie ferrée.

Autre film en compétition présenté vendredi: Die Frau des Polizisten (La femme du policier), long métrage de trois heures du réalisateur allemand Philip Gröning, a eu raison de plusieurs spectateur, sortis avant la fin. Gröning y filme, en une interminable succession de chapitres de quelques minutes «l'histoire simple» d'une famille - père, mère, enfant -  et sa lente destruction. Une histoire, racontée façon documentaire, sur la complexité de la violence domestique ordinaire qui peut surgir au sein d'un couple.