Éclectique, éclaté, éclairant, ouvert sur l'universel. Et pourtant si intime. Le parcours de la cinéaste Lysanne Thibodeau est tout cela à la fois. Et probablement plus encore, comme on pourra le constater au cours du week-end, alors que le Festival du nouveau cinéma rend hommage à cette cinéaste morte à l'âge de seulement 58 ans, le 15 avril dernier.

Les organisateurs ont confié au cinéaste Etienne Desrosiers, sans doute l'une des personnes qui connaît le mieux l'oeuvre de Mme Thibodeau, le soin de créer un programme de courts métrages qui compte cinq films. À cela s'ajoute le long métrage documentaire Des armes et nous terminé après la mort de la cinéaste.

«Le cinéma de Lysanne est très autobiographique, personnel et intime, dit M. Desrosiers. Il est lié à sa vie qui a été marquée par un drame terrible. À 14 ans, son frère a tué sa mère avec une arme à feu avant de se donner la mort.»

Cela dit, Lysanne Thibodeau a vécu la vie, sa vie, à fond la caisse. Elle a étudié à Concordia, a beaucoup voyagé, s'est consacrée à la musique et surtout au cinéma, au Québec, mais aussi en Europe (elle a vécu 15 ans en Allemagne) et en Asie.

Elle a fait partie des groupes Heaven 17 et Men Without Hats (avant le tube The Safety Dance). À Berlin, elle s'était liée d'amitié avec Solveig Dommartin, la compagne de Wim Wenders, et on la voit dans une courte scène du film Les ailes du désir.

À notre demande, M. Desrosiers parle brièvement des films présentés au FNC. À ceux évoqués ici, il faut aussi ajouter Triple Exposure World (1980) et Ma chute du mur (2002).

Bad Blood for the Vampyr (1984)

Cette fable drôle et gothique revisite le concept du vampirisme. «Avec les années, ce film est devenu culte, dit M. Desrosiers. C'est un pastiche du genre. C'est expressionniste, bien filmé et très ironique. La musique a été en partie composée par le groupe allemand Einstürzende Naubaten, dont le leader et chanteur, Blixa Bargeld, joue le rôle du prêtre dans le film.»

Virginia or Do All Roads Lead to Romeo? (1992)

«Pour ce film, Lysanne a travaillé avec des danseurs butō et une chorégraphe allemande, Gudrun Gut, encore très présente sur la scène culturelle alternative, dit Etienne Desrosiers. Ce film est une oeuvre métaphorique de la vie de cette cinéaste. C'est aussi un mélange de danse japonaise et d'univers expressionniste, Lysanne ayant été influencée par l'expressionnisme allemand.»

Éloge du retour (2001)

«Lysanne est revenue au Québec en 1996 et ce film raconte sa vie. Dans ce film, elle nous renseigne sur son drame familial. Elle s'interroge sur ses racines, sur sa famille. Ce n'est pas une autobiographie narcissique. Au contraire, elle rejoint rapidement l'universel en y explorant des thèmes comme la nordicité, les Premières Nations, l'appartenance à l'espace, etc. Ce film est une pièce maîtresse dans son cinéma.»

Des armes et nous (2018)

«Lysanne avait fait un visionnement de son montage un mois ou deux avant son décès. Pour y avoir assisté, je vous dirais qu'il est clair que ce film constituera un pamphlet contre les armes à feu et leur vente libre. Encore une fois, on peut y voir le prolongement de sa vie, et on se doute pourquoi. Dans son ensemble, je crois que le travail de Lysanne mérite d'être vu pour sa contribution, humble, mais significative, à notre cinématographie.»

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Des armes et nous, dimanche, à 19 h 15, à la Cinémathèque québécoise

Courts métrages de Lysanne Thibodeau présentés samedi, à 15 h, et dimanche, à 17 h 15, à la Cinémathèque québécoise