Depuis 12 ans, le Wapikoni mobile, studio ambulant de création audiovisuelle destiné aux jeunes des Premières Nations, sillonne le Québec dans un élan de médiation culturelle. Ce soir, à 17h, au Cinéma Impérial, dans le cadre du Festival du nouveau cinéma, aura lieu le lancement annuel de ce projet mis sur pied par la cinéaste Manon Barbeau. Quatorze oeuvres originales de cinéastes autochtones du Canada et de l'étranger y seront présentées. L'occasion d'un «Wapikoni 101» avec sa fondatrice et directrice générale, rencontrée dans les murs du Wapikoni mobile.

Rappelle-nous comment le Wapikoni est né...

«Wapikoni» veut dire «fleur» en atikamekw. Le Wapikoni mobile porte le nom d'une jeune Atikamekw, Wapikoni Awashish, sans doute une future chef, qui est décédée dans un accident de la route à 20 ans, alors que je travaillais avec elle et 15 jeunes autochtones sur un scénario de film dans la communauté de Wemotaci. On oublie trop souvent que le Wapi est une cofondation à majorité autochtone.

La mission du Wapikoni mobile dépasse maintenant les frontières du Québec...

On est allés dans 50 communautés en tout, au Québec, au Canada et en Amérique du Sud - Panama, Bolivie, Chili, Pérou. Les chefs nous y invitent. On n'y va jamais sans une invitation du Conseil de bande. On est allés aussi en Nouvelle-Calédonie. On fait des échanges entre créateurs autochtones de différents horizons.

Combien de courts métrages ont été réalisés depuis 2004?

On va dépasser les 900 films réalisés. Il y a deux cinéastes accompagnateurs, un coordonnateur autochtone, un intervenant dans chacune des équipes. On fait en sorte le plus possible que les cinéastes accompagnateurs soient autochtones. En moyenne, il y a 25 participants. Il y en a eu plus de 4000 depuis le début. Au début, les aînés étaient méfiants, mais ils sont de plus en plus confiants et ils en profitent pour léguer des connaissances à leurs petits-enfants, qui les filment.

Certains continuent de faire des films après votre passage?

Il y en a qui gagnent leur vie grâce à ça. Abraham Côté, quand je l'ai rencontré dans sa communauté, était vendeur de tabac dans une petite bicoque de rien du tout. Maintenant, il enseigne l'audiovisuel à l'école secondaire de sa communauté. Il a son propre équipement et de l'équipement qu'il a gagné avec nous - ce sont les prix qu'on offre. Et il fait ses propres films. On publicise les compétences des participants auprès des communautés et des villes voisines pour qu'ils aient des contrats.

Il y a des histoires de réussite, comme celle de Samian...

Il y a plein d'histoires de réussite. Melissa Mollen-Dupuis, qui est la présidente du Wapikoni mobile et cofondatrice d'Idle No More. Ray Caplin, quand on est arrivés à Listuguj la première fois, son père électricien a branché notre roulotte. Il s'inquiétait pour son fils qui ne sortait jamais du sous-sol. On est allés le chercher, à sa suggestion. Il dessinait beaucoup dans son sous-sol. Il a fait sa première animation dans la roulotte. Je l'ai montrée à l'école des Gobelins à Paris, qui lui a offert une école d'été gratuite, et il est à sa troisième année à Concordia en cinéma! Parmi nos partenaires, il y a beaucoup d'universités, où on fait des formations complémentaires.

Vous ne formez pas que des cinéastes...

On ne veut pas que tous deviennent cinéastes, mais qu'ils soient des leaders dans leur communauté. Les valeurs qu'on met de l'avant, c'est la fierté identitaire, la résilience, l'empowerment. On fait aussi des ateliers de sensibilisation dans les écoles. Les films servent de ponts vers les communautés autochtones pour faire tomber les préjugés. On a créé en 2014 le RICAA. C'est le premier réseau international de création audiovisuelle autochtone, qui réunit à peu près 50 membres de 15 pays. Ça permet de multiplier leur voix et de l'amplifier. Cette année, au festival Présence autochtone, on a diffusé le premier film collectif créé par eux tous, Le cercle des nations, qui portait sur la revitalisation des pratiques culturelles.

Tu suis encore le Wapikoni mobile dans les communautés?

Cette année, j'y suis moins allée parce que c'est très prenant. Mais on a une belle équipe et les gens se relaient, pour que chacun sache ce qu'on fait et pour quoi on travaille. C'est très important.