Le maire de Montréal Denis Coderre a la ferme intention de rencontrer la direction du Festival des films du monde (FFM), à commencer par son fondateur et président Serge Losique, une fois que le rideau sera tombé sur la 39e édition ouverte hier soir devant des dizaines de sièges vides au cinéma Impérial.

«Montréal est pour moi une capitale de cinéma. C'est la capitale du cinéma au Canada. Nous avons une position enviable pour la production, les effets spéciaux, etc. Et le FFM est un des éléments de ce rayonnement. En ce sens, nous devons tous faire partie de la solution. Nous allons avoir des rencontres après le festival. On va se parler. Je veux que les choses fonctionnent et nous allons trouver des solutions», a dit M. Coderre quelques minutes après son arrivée à la cérémonie d'ouverture où Serge Losique l'a accueilli.

Quant à la manifestation d'intérêt des hommes d'affaires Gilbert Rozon et Maxime Rémillard qui aimeraient prendre une part active dans la relance de l'événement, comme La Presse l'annonçait hier, M. Coderre a dit qu'il était trop tôt pour y répondre, estimant plutôt que la soirée devait être consacrée à la fête. Il a tout de même fini par laisser tomber: «Je suis intéressé par les gens qui sont intéressés.»

Accompagné par Manon Gauthier, responsable de la culture au comité exécutif, M. Coderre a paru très ferme lorsqu'il a évoqué les futures rencontres avec M. Losique. Lorsqu'il a dit: «On va se parler», il a détourné les yeux des micros pour les planter dans ceux d'un Serge Losique qui avait l'air ouvert à la discussion.

M. Coderre l'a dit dans nos pages hier et il l'a répété hier soir, il veut des changements majeurs et il les veut pour le 40e anniversaire, en 2016. «Il y a des réalités auxquelles nous sommes confrontés et je veux qu'on se parle franchement. Il y a un coup de barre à donner.» Ce coup de barre, a-t-il ajouté, ne veut pas dire qu'il réclame la tête de qui que ce soit.

Président du jury de la compétition internationale de cette 39e édition, Dany Laferrière a quant à lui écarté l'idée d'une solution précipitée. «Je ne crois pas aux histoires qui tombent à pic, a-t-il dit. Je ne sais pas si c'est le bon moment pour [...] parler [de changements à la direction]. Je ne trouve pas ça très élégant.»

Il était heureux de voir le maire présent. C'est lui qui a convaincu M. Coderre de venir assister à la cérémonie d'ouverture. «Quand on reçoit des invités de quelque 80 pays, on doit être là pour leur ouvrir la porte.»

Manifestants

Cela dit, cette 39e édition du FFM s'est ouverte sur une seconde controverse, celle de la projection en première mondiale du film Muhammad de Majid Majidi, oeuvre hautement contestée en raison de sa représentation de Mahomet, ce qui est contraire aux règles islamiques.

Quelques dizaines de militants musulmans étaient rassemblés à l'intersection des rues Sainte-Catherine et De Bleury pour exprimer leur colère face à ce film qui est également soutenu par le gouvernement iranien.

«Le régime iranien est antidémocratique et brutal. M. Majidi a financé son film avec les millions du régime alors que les gens ont faim, nous a déclaré Babaj Ajad. Encore dans les deux dernières semaines, 45 personnes ont été exécutées dans les prisons iraniennes. Et pendant que M. Majidi fait des films, plusieurs cinéastes et journalistes sont emprisonnés.»

Questionné par La Presse, M. Majidi a repoussé ces allégations, estimant que les protestataires mélangeaient tout en matière de culture. «C'est un grand jour pour moi après sept années de dur labeur. Je suis très excité, je suis optimiste», a plutôt déclaré ce cinéaste, trois fois lauréat du Grand Prix des Amériques du FFM. Il a aussi assuré vouloir montrer l'islam comme une religion de paix et non de terreur comme certains groupes minoritaires le font, dit-il.

Quoi qu'il en soit, cette soirée d'ouverture ne passera pas à l'histoire pour son nombre de spectateurs. La Presse a compté plusieurs dizaines de sièges vides au parterre.

Prenant la parole, Serge Losique a fait dans l'humour. Saluant son «ami» le maire de Montréal Denis Coderre, ce qui a provoqué des rires dans l'assistance, il a félicité ce dernier d'avoir enrichi la langue française avec l'expression «marteau-piqueur politique».

M. Coderre, justement, n'est pas resté pour la projection du film d'une durée de trois heures. Croisé à la sortie de l'Impérial au terme des discours, il a dit à La Presse: «Aujourd'hui, je célèbre mon 27e anniversaire de mariage et je suis encore ici.»

Signe qu'il était temps de rentrer à la maison.