Michel Cusson a composé sa première trame sonore, il y a 22 ans. C'était pour L'automne sauvage. Depuis, il n'a pas arrêté. D'Omertà à La comtesse de bâton rouge, de Bunker à Séraphin, de Dans une galaxie près de chez vous à Unité 9, il crée, crée et crée toujours. Demain, le FFM va lui rendre un hommage tout spécial.

Il m'attendait dans son studio qu'il a fait construire, collé à sa maison. Un laboratoire en pleine nature avec des consoles, des écrans petits et géants, des ordinateurs, une collection impressionnante de guitares et d'instruments, bref, tout ce qu'il lui faut pour habiller de sons les images de notre cinéma. Quelques jours avant notre rencontre, il était en Australie.

Q: C'était des vacances?

R: Oh non! J'étais là pour Cavalia, que je suis depuis 10 ans. Une trame pour un show comme celui-là ou pour Odysseo, ce n'est pas préenregistré. Il faut y aller pour réajuster, souvent. C'est comme un film vivant.

Q: Composer pour le cinéma, c'est très différent?

R: Composer pour le cinéma, c'est un art de l'ombre.

Q: Est-ce donné à tous de composer pour des films?

R: Je ne crois pas, c'est une sensibilité qui se développe. Pour moi, ç'a été une façon d'assouvir ma curiosité. Même à l'époque d'Uzeb, c'était la musique en général qui m'intéressait, la cubaine avec sa mélancolie, celle d'Europe de l'Est, la musique classique... Et tout ça, je m'en suis rendu compte, peut servir l'image.

(Michel Cusson travaille comme un malade tout le temps. Ça n'arrête jamais. Les notes et les idées s'entrechoquent dans sa tête. Ça lui arrive à table, en mangeant en famille, avec ses cinq enfants, en parlant avec des amis...)

En fait, c'est pire que ça. Bien des flashes, je les ai dans mon iPhone. Je compose un peu partout. Ça fait partie de ma vie. Je me déplace et 15 secondes plus tard, je peux avoir une idée. Des fois, on est là, on mange. J'ai ma petite guitare. Puis, à un moment donné, j'ai une idée. Je filme carrément mon petit riff. De la musique de film, en fait, c'est des centaines d'idées. Je les mets dans ce que j'appelle mon blender. La machine roule tout le temps.

(Sa première musique de film, il l'a écrite pour L'automne sauvage de Gabriel Pelletier, mais c'est avec la série Omertà qu'on l'a vraiment découvert.

C'est vrai, c'est Omertà, la loi du silence qui a tout lancé. Ç'a été une chance incroyable pour moi parce que Pierre Houle m'a montré la dramaturgie musicale. C'est un musicien dans l'âme. Il aime la musique. Et dans Omertà, il la voulait forte. Ce n'est pas tout le monde qui veut ça. Certains considèrent ça comme de la tapisserie.

Q: Comment arrive la musique? À travers les images?

R: Pas seulement. Je travaille beaucoup avec de jeunes réalisateurs. Martin Doepner qui a fait Rouge sang, par exemple, m'a donné des guides; il m'a parlé de musique celtique, irlandaise. On a trouvé une vieille chanson et, à partir de là, j'ai exploré des textures. C'est un dialogue, en fait.

Q: Quand tu regardes un film, entends-tu la musique?

R: Normalement, on ne doit pas. C'est l'histoire qui compte. Mais moi, je finis par l'entendre, même si je me fais porter par le film.

Q: Arrive-t-il qu'elle te dérange?

R Oui, et dans ces cas-là, c'est sûr que je la remarque. Par exemple, dans certains films, il y a de la musique licenciée. Ça peut marcher, mais en général, c'est dur de réussir. Le compositeur peut emmener ça beaucoup plus loin dans l'émotion. C'est plus précis qu'une chanson achetée.

Q: Y a pas des exceptions?

R: Par exemple, dans La maison du pêcheur, il y a des tounes québécoises. Mais ici, c'est important. Elles servent l'histoire. Dans ce cas-là, j'ai travaillé autour de ça. J'ai agencé ma musique à celle déjà existante. Mais c'est extrêmement précis. Pour La maison..., je suis arrivé avec une approche peu évidente au début, une proposition plus intime.

Q: Tu pourrais changer le climat à ta guise?

R: Oui. Dans Maurice Richard, par exemple, Binamé parlait de Maurice avant qu'il ne devienne un héros. Il faut alors savoir doser. Maurice avant 1955 et après, ce n'est pas pareil.

Q: Et la télé? Comme Unité 9?

R: Une série, c'est de la variation, mais c'est plus limité. Au cinéma, la marge est plus large. J'ai fait beaucoup d'IMAX et c'est évident que le format dicte la trame musicale.

(Comme je le disais, Cusson travaille énormément. En Israël, en France, en Angleterre, il donne des spectacles à Hawaï, en Chine, en Australie. Il est un créateur curieux des autres, curieux comme quand son père violoneux lui a acheté sa première guitare à 13 ans. Et à partir de ce jour-là, il s'est mis à composer, à voyager dans sa tête et de par le monde. Et à explorer, explorer encore...)

En musique de film, il n'y a pas de recettes. À chaque fois, il faut découvrir.