Au cours d'un processus qu'on dit plus resserré que jamais pour les films québécois, ces sept cinéastes ont été invités à présenter leur nouvelle oeuvre au festival de Toronto. Trois d'entre eux auront droit au faste de la catégorie Présentations spéciales, les quatre autres sont plus modestement sélectionnés dans la catégorie Cinéma contemporain du monde. Dans quel état d'esprit s'amènent-ils au TIFF? Nous leur avons posé la question.

Denys Arcand

La chute de l'empire américain

Section: Présentations spéciales

Denys Arcand a commencé à fréquenter ce festival dès le début, à l'époque où il s'appelait Festival of Festivals. En 1986, Le déclin de l'empire américain y a été présenté en ouverture. Déjà fort du succès critique et public de La chute de l'empire américain au Québec, le vétéran cinéaste s'amène à Toronto pour lancer la carrière internationale de son plus récent film.

«Évidemment, le festival est très différent de celui que j'ai connu à l'époque où tout était pratiquement regroupé autour du Sutton Place, et où tout le monde fréquentait les mêmes restos et les mêmes endroits. On nous a toujours très bien accueillis. Aujourd'hui, ce festival est devenu gigantesque à un point où l'on peut rater bien des choses. La dernière fois, j'aurais raté le magnifique film de Cristian Mungiu, Baccalauréat, si ce n'était d'avoir rencontré Mungiu par hasard le jour même! Cela dit, ce festival a toujours été dirigé par des gens qui sont guidés par leur amour du cinéma. Mon film étant déjà sorti au Québec, j'y vais cette fois essentiellement pour rencontrer les journalistes américains et canadiens-anglais. J'ai passé l'âge d'aller dans les partys!»

Renée Beaulieu

Les salopes ou le sucre naturel de la peau

Section: Cinéma contemporain du monde

Au-delà du titre, qu'on remarque, ce film courageux risque de se distinguer par sa qualité, mais la nature du propos et son traitement susciteront assurément aussi des discussions intéressantes. Mettant en vedette Brigitte Poupart, ce deuxième long métrage de Renée Beaulieu (Le garagiste) marque l'entrée de la réalisatrice sur le circuit des grands festivals. Le récit relate le parcours d'une chercheuse scientifique dont la vie sera bouleversée par ses recherches sur la sexualité féminine. 

«J'essaie de rester zen, mais je ne vous cacherai pas que je suis très excitée à l'idée de lancer mon film au TIFF. J'ai déjà participé à plusieurs festivals, mais jamais un festival de cette ampleur. Pour moi, tout cela est bien festif. J'ai envie de profiter du moment et d'aller voir des films. Le titre de mon film fait sans doute réagir pas mal, car on reçoit des demandes d'un peu partout, de gens qui veulent avoir des informations. Il est certain que je suis très fébrile et, honnêtement, je m'attends à ce que le film ne fasse pas l'unanimité, voire qu'il y ait un peu de controverse.»

Xavier Dolan

The Death and Life of John F. Donovan

Section: Présentations spéciales

Inutile de dire que Xavier Dolan présentera lundi soir, au Winter Garden Theatre, l'un des films les plus attendus du festival. Contrairement à ses présences précédentes au TIFF, le réalisateur de Mommy lancera son plus récent long métrage - son premier en anglais - en primeur mondiale. Pris par le tournage de Matthias et Maxime, son huitième film, Xavier Dolan n'a pu nous accorder un entretien en vue de cet article.

Maxime Giroux

La grande noirceur

Section: Cinéma contemporain du monde

Lauréat du prix du meilleur long métrage canadien au TIFF il y a quatre ans, grâce à Félix et Meira, Maxime Giroux s'amène au TIFF avec La grande noirceur, un film complètement différent, en forme d'allégorie sur le monde actuel, construit autour d'un personnage incarné par Martin Dubreuil.

«Le film y est présenté en primeur mondiale. Puisque personne ne l'a vu encore, l'enjeu est assez important, car nous aurons le tout premier écho public. C'est un peu stressant, mais ça va aller! Toronto reste un très grand festival pour les gens de l'industrie, car tout le monde est là. Cela dit, quand tu es un plus petit joueur, dont le nom n'est pas aussi connu que celui de Denys Arcand ou de Xavier Dolan, il peut être un peu plus difficile de réussir à faire sa place. On prend ce qui passe avec enthousiasme, mais on ne s'attend pas non plus à devenir les stars du festival. Cela dit, je sens cette fois un peu plus d'attention des médias canadiens-anglais, grâce au succès de Félix et Meira. Et comme Sarah Gadon, l'une des comédiennes, est très appréciée à Toronto, ça aide le film avant même qu'il soit vu.»

Photo Shayne Laverdière, fournier par Les Films Séville

Xavier Dolan sur le tournage de The Death and Life of John F. Donovan

Katherine Jerkovic

Les routes en février

Section: Cinéma contemporain du monde

La cinéaste propose son tout premier long métrage, un film de fiction librement inspiré de son propre parcours. Tourné en Uruguay en langue espagnole, Les routes en février relate la quête d'une jeune Montréalaise qui retourne dans son pays natal après une longue absence pour y retrouver sa grand-mère paternelle. 

«Je suis très heureuse, mais en même temps, je ne sais pas du tout à quoi m'attendre! Ma démarche est complètement indépendante et il est possible que je m'y sente comme un chien dans un jeu de quilles, car je n'y suis jamais allée. Ma perception de ce festival est celle d'un très grand marché du film. Quand je regarde la programmation d'un peu plus près, je trouve qu'elle est intéressante parce qu'on y sent une volonté de découvertes à travers de petits films d'auteur, une volonté de laisser place à la diversité aussi, tout ça en présence de la grosse machine industrielle. Je suis surprise - et aussi ravie - qu'un film aussi discret que le mien, qui mise sur la subtilité sans aucun effet de mode, ait été retenu. Dans un panorama très compétitif, je trouve encourageant que ce genre de film puisse encore être sélectionné.»

Kim Nguyen

The Hummingbird Project

Section: Présentations spéciales

À l'instar de Xavier Dolan, Kim Nguyen présentera lui aussi un film en primeur mondiale au TIFF pour la première fois. The Hummingbird Project, dont il a écrit le scénario original, met en vedette Alexander Skarsgård, Jesse Eisenberg et Salma Hayek. La première du film aura lieu demain au prestigieux The Princess of Wales Theatre.

«Il s'agit de la première mondiale du film et ça me met vraiment dans un autre état d'esprit, car j'arrivais habituellement au TIFF en ayant déjà présenté mon film ailleurs auparavant. Il y aura la réaction d'un tout premier public et ça me rend plus fébrile. Quand j'étais à l'école de cinéma, l'un de mes rêves était d'avoir l'occasion de présenter un jour un film dans un beau vieux grand théâtre et là, je me retrouverai dans l'un de ceux-là, le Princess of Wales. Dans le cas de The Hummingbird Project, Toronto était notre premier choix, car le marché américain est très important pour ce film-là. Aucun distributeur ne l'a encore vu. La première, ce samedi, sera cruciale sur ce plan.»

Sébastien Pilote

La disparition des lucioles

Section: Cinéma contemporain du monde

Sébastien Pilote est le seul du groupe qui a été invité au TIFF en dépit du fait que son film a déjà été lancé dans un autre festival. Sa première présence au TIFF remonte à 2007, alors qu'il y avait présenté son court métrage Dust Bowl Ha! Ha!. Mettant en vedette Karelle Tremblay et Pierre-Luc Brillant, La disparition des lucioles relate le parcours d'une jeune femme dont la rencontre avec un musicien sera déterminante.

«Mon attention est surtout dirigée vers la sortie du film au Québec, le 21 septembre, et vers la première québécoise, qui aura lieu au Festival de Québec. Mais tout ça constitue un bel enchaînement. Le film a été lancé au festival de Karlovy Vary, dont la résonance médiatique se situe surtout en Europe centrale et en Europe de l'Est, et je suis heureux de bénéficier d'une plateforme comme le TIFF pour le relancer. Je suis d'autant plus ravi d'être sélectionné, car les organisateurs tiennent de plus en plus à des primeurs mondiales. Cela dit, le film sera présenté de façon plus modeste que s'il avait fait l'objet d'un gala. Mais il sera vu par des gens qui peuvent avoir un impact sur la carrière internationale du film.»

Le 43e TIFF se poursuit jusqu'au 16 septembre.

Photo fournie par la production

Katherine Jerkovic sur le plateau de son film Les routes en février.