Considéré comme le deuxième festival de cinéma en importance au monde, le festival de Toronto est, dans les faits, une entreprise gigantesque. Pour essayer de le décrire le plus justement possible, nous avons emprunté la formule de l'abécédaire.

A: Auditoire

Même s'il occupe une place stratégique dans le calendrier annuel auprès des professionnels du cinéma, le TIFF est aussi un événement très populaire, ouvert au public. Selon le service des communications du festival, le TIFF a été fréquenté par 600 000 personnes l'an dernier.

B: Bénévoles

Ils sont environ 3000 et se font une fierté de participer à l'événement. Ils ont la tâche de gérer la circulation, de diriger les cinéphiles dans les bonnes  - et interminables - files d'attente, d'entendre avec le sourire les doléances de ceux qui leur disent: «Non, mais c'est parce que vous ne comprenez pas» ou «Ne savez-vous pas qui je suis?». Quand ils apparaissent dans l'une des promos, présentées avant chaque séance, ils sont applaudis. Et c'est pleinement mérité.

C: Canada

Le TIFF présente le meilleur du cinéma mondial, mais il laisse aussi la place au cinéma national. Sur les 255 longs métrages sélectionnés, 23 portent la bannière canadienne, parmi lesquels 7 proviennent du Québec. En incluant les courts métrages, la direction du TIFF a reçu cette année pas moins de 1080 soumissions canadiennes.

D: Diversité critique

Pour la première fois cette année, le TIFF espère accroître de 20 % la diversité de la presse qui couvre le festival. Cela représente jusqu'à 200 nouveaux critiques et journalistes qui offriront une plus grande diversité en matière d'héritage culturel, de genre, d'orientation sexuelle et de situation de handicap. Le TIFF dit répondre ainsi aux demandes de l'industrie d'élargir le débat et la diversité d'opinions pendant le festival.

E: États-Unis

Ne nous leurrons pas. Le TIFF doit sa notoriété et son ampleur au fait que les Américains ont un jour décidé de faire de ce festival leur grande rampe de lancement du cinéma d'automne. À partir du moment où les studios hollywoodiens s'y sont installés - n'oublions pas qu'en matière de cinéma, le Canada fait partie du marché intérieur des États-Unis -, tous les intervenants internationaux ont suivi. Même si les organisateurs font tout ce qu'ils peuvent pour mettre aussi en valeur les oeuvres internationales plus confidentielles, les productions américaines retiennent davantage l'attention des médias.

F: Frustrations

Pour les journalistes, le TIFF est sans contredit le festival international le plus difficile à gérer. En plus d'essayer de voir le plus de films intéressants possible - il y a parfois deux ou trois incontournables projetés pour la presse le même jour à la même heure -, ils tenteront de ne rien rater de la dizaine d'événements qui ont lieu simultanément. Du côté du public, la rareté des billets - plusieurs séances affichent déjà complet - peut aussi créer certains maux de tête. Dans ces cas-là, plusieurs se rabattent sur des films moins médiatisés et y trouvent quand même leur compte. La beauté du TIFF, c'est que tous les films ont été soigneusement choisis.

G: Galas

Les projections officielles de la section Gala Presentations, les plus prestigieuses du TIFF, ont lieu au chic Roy Thomson Hall, magnifique enceinte au coeur du Theatre District. Chaque soir, deux présentations de gala, deux équipes de film, deux tapis rouges, des invités du Toronto d'en haut et, chaque fois, des centaines de badauds pour accueillir les stars.

H: Piers Handling

Il s'est joint à l'organisation en 1982 et en a pris la direction en 1994, l'année où le Festival of Festivals est devenu le Toronto International Film Festival (TIFF). Son organisation est bien implantée dans la vie culturelle torontoise et est à la tête d'événements tenus tout au long de l'année, notamment au Lightbox, complexe cinématographique unique au pays. Après cette 43e édition, Piers Handling prendra sa retraite. Il sera remplacé par une nouvelle structure bicéphale composée de Cameron Bailey, actuel directeur artistique du TIFF, et de Joana Vicente, aussi nommée directrice générale.

I: Interviews

La vaste majorité des équipes font le déplacement pour accompagner la présentation de leur film. Avec 232 longs métrages, inutile de dire que les différents distributeurs font des pieds et des mains pour tenter d'obtenir l'attention des médias. Le scribe doit ainsi se construire un horaire lui permettant d'emmagasiner pour la saison quantité d'interviews avec les artisans de films qui prendront l'affiche au cours des prochaines semaines et des prochains mois. L'offre est abondante au point où il devra parfois faire des choix déchirants. Et même jeter quelques choux gras. 

J: Jet-set

Le succès d'un festival se mesure aussi par la présence d'événements glamour, organisés en marge du festival. C'est le cas à Toronto. Les fêtes attireront des membres du jet-set qui seront là parce qu'il faut y être. Tout simplement.

K: Kilomètres

Cinq cent quarante-cinq kilomètres séparent Toronto de Montréal, ce qui, dans l'état actuel des choses, anéantit pratiquement tout espoir de voir un festival de cinéma international généraliste d'envergure renaître à Montréal. Aucun pays au monde ne peut tenir deux grands festivals de cinéma dans des villes aussi proches, qui plus est à deux semaines d'intervalle. 

L: Lady Gaga

Depuis la présentation de A Star Is Born à la Mostra de Venise, il n'y en a plus que pour madame Gaga. La superstar de la musique pop s'amène dans la Ville Reine forte d'une rumeur formidable, engendrée par des médias spécialisés qui lui prédisent déjà une citation à la prochaine cérémonie des Oscars. Elle sera sans doute l'une des figures marquantes de ce 43e TIFF.

M: Marché du film

Oui, le TIFF est un grand festival, tant sur le plan de la sélection que de l'organisation. Mais le fait est que, par sa nature même, l'événement revêt davantage les allures d'un immense marché de luxe. Ce marché est d'ailleurs l'un des plus importants du monde. Même si la section compétitive Platform, qui reste quand même marginale, est apparue il y a quelques années, il reste que le TIFF n'est pas construit autour d'une compétition officielle comme Cannes, Venise ou Berlin. D'où cette impression d'une immense vitrine où chaque professionnel et cinéphile peut choisir ce qui lui convient le mieux. 

N: Netflix

Aucune controverse à propos des films distribués par Netflix à Toronto. On pourrait même croire à une prise de position ferme à cet égard. Le 43e TIFF s'est en effet ouvert hier soir avec Outlaw King, un film que le diffuseur en ligne proposera à ses abonnés en exclusivité.

O: Oscars

Le prix du public constitue la plus importante récompense du TIFF. Depuis l'attribution de cette récompense à American Beauty en 2000, les Torontois se font une fierté d'être en amont de la prochaine course aux Oscars. S'il est vrai que l'honneur est souvent remis à l'un des plus sérieux candidats de la course, le lien direct entre le People's Choice Award du TIFF et l'Oscar du meilleur film s'est établi seulement trois fois depuis 2000: Slumdog Millionaire en 2008, The King's Speech en 2010 et 12 Years a Slave en 2013. 

P: Primeurs

Dans le secteur très compétitif des festivals de la rentrée, le TIFF tente d'obtenir le plus de primeurs mondiales possible. Venise et Telluride ayant lieu quelques jours avant l'événement torontois, la pression est grande auprès des producteurs et des distributeurs. Cette année, 138 longs métrages sont présentés au TIFF en primeur mondiale, 22 en primeur internationale (ces films sont déjà sortis dans leur pays d'origine) et 72 en primeur nord-américaine.

Photo Chris Donovan, archives La PResse canadienne

Le TIFF a été fréquenté par 600 000 personnes l'an dernier.

Q: Québec

Le TIFF a toujours offert une place de choix au cinéma québécois. Cela dit, les critères de sélection semblent être encore plus serrés qu'auparavant, notamment en regard de présentations précédentes dans d'autres festivals. Cette année, tous les films québécois retenus sont présentés en primeur mondiale, à deux exceptions près: La disparition des lucioles, de Sébastien Pilote, a été lancé au festival de Karlovy Vary, en République tchèque, et La chute de l'empire américain, de Denys Arcand, est déjà sorti en salle au Québec. 

R: Rumeurs

Dans l'offre très abondante du TIFF, les films récemment présentés avec succès à la Mostra de Venise ou au festival de Telluride s'amènent dans la Ville Reine avec une longueur d'avance. Cette année, les séances de Roma (Alfonso Cuarón), de First Man (Damien Chazelle) et de A Star Is Born (Bradley Cooper), entre autres, seront particulièrement courues. 

S: Sélections

En tout, le TIFF propose cette année 343 films: 255 longs et 88 courts. Ces productions ont été sélectionnées parmi les 7926 soumises aux sélectionneurs. Le programme se décline en une dizaine de sections avec, en tête, les Galas et les Présentations spéciales. Les sections Cinéma contemporain du monde, Midnight Madness, Wavelengths, Discovery, Masters, Platform et TIFF Docs sont aussi très prisées des festivaliers. 

T: Tapis rouges

En plus des deux projections de gala quotidiennes au Roy Thomson Hall, des tapis rouges sont aussi déployés à quelques autres endroits, avec, toujours, les dizaines (sinon les centaines) de badauds qui attendent fébrilement les vedettes. Il y en a un devant le Princess of Wales Theatre, devant l'édifice abritant l'Elgin Theatre et le Winter Garden Theatre, ainsi qu'au Ryerson Theatre. Jeudi, en plus de la projection de gala d'Outlaw King au Roy Thomson Hall, le film d'ouverture officiel, Michael Moore a foulé le tapis rouge du Ryerson Theatre pour lancer Fahrenheit 11/9, et Denys Arcand, accompagné de son équipe, a foulé celui de l'Elgin Theatre. 

U: Urbain

Le TIFF ne pourrait se dérouler dans un cadre plus urbain. Depuis quelques années, toutes les activités sont regroupées dans le Theatre District, qui, pour l'occasion, s'anime avec des activités de toutes sortes. La circulation automobile dans King Street, où se situe le Lightbox, est d'ailleurs interdite pendant le premier week-end du festival.

V: Vedettes

Pendant le TIFF, Toronto devient l'endroit du monde où se croisent le plus de vedettes de catégorie A au mètre carré. Non seulement la proximité géographique explique la venue de plusieurs stars hollywoodiennes, mais les embouteillages de limousines découlent aussi du grand nombre de films sélectionnés. Alors que Cannes ne présente qu'une cinquantaine de longs métrages en sélection officielle, le TIFF en présente plus de 250. Cette année ne fait pas exception à la règle. La liste des invités, d'Isabelle Huppert à Julia Roberts, d'Armie Hammer à Joaquin Phoenix en passant par des centaines d'autres, donne tout simplement le vertige.

W: Week-end

Les organisateurs du TIFF vous diront que les films présentés dans la seconde portion du festival sont aussi importants, mais dans les faits, tout se déroule dans la première partie. Une effervescence sans nom règne au cours des premiers jours, alors que tous les «gros» films se disputent les feux des projecteurs. Et après, une fois que tout le monde a couru comme des poules sans tête, le calme reprend ses droits dès le mardi, alors que partent déjà quantité de professionnels et de journalistes. Étrange dynamique.

X: Xavier Dolan

Xavier Dolan délaissera le tournage de Matthias et Maxime pour accompagner lundi la présentation de The Death and Life of John F. Donovan, son premier film anglophone. Il sera entouré de Kit Harrington (sur la photo avec le réalisateur québécois), Natalie Portman, Jacob Tremblay, Susan Sarandon, Ben Schnetzer, Thandie Newton, Sarah Gadon et Emily Hampshire. Le réalisateur de Juste la fin du monde accompagnera sans doute aussi l'équipe de Boy Erased, le film de Joel Edgerton dans lequel il tient un rôle.

Y: Yeux

Deux yeux sont insuffisants pour tout voir. Malheureusement. 

Z: Zénitude

Se dit d'un état qu'aucun festivalier n'atteindra, du moins au cours des six premiers jours!

Photo Chris Young, La Presse canadienne

Sur les 255 longs métrages sélectionnés, 23 portent la bannière canadienne, parmi lesquels 7 proviennent du Québec.