L'automatisation nous tue, prévient le cinéaste Maxim Pozdorovkin dans son nouveau documentaire The Truth About Killer Robots, qui sera présenté samedi en première mondiale au Festival du film de Toronto.

Signe de ce que l'avenir réserve peut-être à l'industrie cinématographique, le film est le premier à être raconté par un robot.

Le réalisateur d'origine russe dit surtout s'intéresser «à la façon dont la technologie influence» l'humain, «comment l'automatisation nous transforme. C'est un problème plus profond, fondamental pour qui nous sommes en tant qu'espèce», confie-t-il à l'AFP.

Le film examine les lois encadrant les robots qu'Isaac Asimov avait imaginés dans sa nouvelle intitulée Runaround, parue en 1942 et selon laquelle les machines ne doivent pas nuire aux humains.

Il présente les points de vue d'ingénieurs, de journalistes, de philosophes et d'Asimov lui-même, grâce à des images d'archives.

Dans le film, Maxim Pozdorovkin illustre plusieurs accidents mortels causés ces dernières années par des technologies de plus en plus autonomes, comme dans une usine de Volkswagen en Allemagne ou avec des voitures semi-autonomes Tesla aux États-Unis. Il aborde également l'affaire de la police de Dallas, qui a choisi en 2016 d'envoyer pour la première fois un robot transportant une bombe pour tuer un tireur ayant abattu plusieurs policiers.

Ces histoires soulèvent de nombreuses questions, mais pour le cinéaste, il est clair que l'automatisation tue des emplois, tout en rendant nos esprits paresseux et en amoindrissant nos rapports aux autres.

«Nous parlons de changements sociétaux importants», note-t-il. «Et je pense que ça va se poursuivre».

Un bon nombre de conséquences sont graduelles, comme dans le cas des camionneurs américains, maintenant obligés d'être assistés par des logiciels de navigation, en échange de moins d'argent sur leur paie.

Déshumanisation

«L'automatisation remet peu à peu en question les salaires, les compétences et la dignité des camionneurs et finira pas avoir raison de leur métier», soutient le réalisateur.

Il note que les percées de l'intelligence artificielle et des robots bien au-delà des usines, s'étendent maintenant à des cabinets d'avocats, des pizzérias ou des taxis.

Les avantages économiques sont faciles à comprendre: les robots sont plus rapides et plus productifs. Mais que va-t-il arriver à toutes ces personnes qui perdent leur emploi, interroge-t-il.

Ce qui est plus inquiétant encore, selon John Campbell, un philosophe de l'Université de Berkeley en Californie, c'est la «perte de liens authentiques avec une autre personne» qu'entraîne l'utilisation de plus en plus répandue des robots et de l'intelligence artificielle.

Il explique dans le film que des robots conçus pour imiter les émotions humaines - ou pour nous piéger - risquent de rendre les gens moins empathiques en général.

«En se fiant à la technologie, votre esprit devient plus paresseux», commente dans le film un témoin d'une collision en Floride entre un semi-remorque et une voiture semi-autonome Tesla, dont le conducteur est mort alors qu'il regardait un film.

Après l'utilisation d'un robot pour abattre un tireur en 2016 à Dallas, le chef de la police a demandé au conseil municipal davantage de technologie, et non de policiers, pour faire face aux menaces futures, une demande qui a interpellé le réalisateur.

«Nous devenons plus robotisés», dit un tireur d'élite de la police de Dallas dans le film, qui sera diffusé le 26 novembre par la chaîne HBO.