Pendant que tout le gratin de la Ville Reine se dirigeait vers le Roy Thomson Hall ou le Princess of Wales Theatre pour assister aux projections de gala de Borg/McEnroe, film d'ouverture du 42TIFF, quelques centaines de festivaliers ont investi hier soir la plus grande salle du Scotiabank Theatre, rue Richmond, afin de pouvoir visionner le nouveau film de Robin Aubert, Les affamés, présenté ici en primeur mondiale. Et ils n'ont pas été déçus.

Le cinéaste québécois avait déjà flirté avec le cinéma de genre à l'époque de Saints-Martyrs-des-Damnés, mais cette fois, il s'y donne à fond. Dès la première séquence, il ne laisse planer aucun doute sur ses intentions en orchestrant un prologue dans lequel l'amoureuse d'un pilote de course, dont on ne saurait qualifier le genre de bagnole qu'il conduit, se fait regarder de travers par une jeune femme d'allure, disons, un peu étrange.

Le village reclus dans lequel l'intrigue est campée est atteint par un mal étrange, qui fait que des personnes «infectées» se transforment en zombies sanguinaires, auxquels les gens non encore contaminés livrent un combat sans merci. Même si on ne fait pas dans la dentelle ici (Robin Aubert s'amuse visiblement avec les codes du film «gore»), il reste que la mise en scène ne verse jamais dans la complaisance. Les dialogues et les situations sont aussi ponctués de touches d'humour noir qui font souvent mouche.

«Je suis content parce que les spectateurs ont réagi exactement de la façon que je le souhaitais. Chaque fois que je suis venu à Toronto, ça a été le cas!», explique le réalisateur Robin Aubert, se confiant à La Presse tout juste après la projection.

Femmes de tous âges

Il est d'ailleurs de tradition au TIFF de permettre aux spectateurs d'échanger avec les artisans après une séance. Pour cet exercice, Robin Aubert était accompagné hier de Brigitte Poupart, l'une des nombreuses interprètes féminines de ce film.

Une spectatrice a d'ailleurs fait remarquer au cinéaste à quel point le héros du film, fort bien interprété par Marc-André Grondin, était entouré de personnages féminins de tous âges, qui vont d'une fillette (Charlotte St-Martin) jusqu'à des femmes plus mûres (Micheline Lanctôt, Marie-Ginette Guay), en passant par deux personnages centraux très forts (campés par Monia Chokri et Brigitte Poupart). Applaudi, Robin Aubert a semblé être un peu pris de court et a passé le micro à la comédienne qui était avec lui sur scène. «Je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête, a-t-elle déclaré, mais je sais qu'il écrit formidablement bien. Pour des actrices, c'est un vrai plaisir de jouer ça», a ajouté celle qui fut notamment aspergée de sirop par deux techniciens spécialement affectés aux giclées de sang...

Des questions en suspens...

Rendant hommage au maître George A. Romero, disparu récemment, Robin Aubert a par ailleurs expliqué qu'il ne souhaitait pas donner toutes les réponses aux spectateurs. Ainsi, la nature de la morsure de l'un des personnages, qui fera l'objet de bien des spéculations pendant tout le récit, restera un mystère.

«J'ai aussi imaginé des structures que les zombies construisent sans qu'on sache trop ce qu'elles signifient, a-t-il fait remarquer. L'idée m'est venue de plusieurs choses, notamment du fait qu'une tante, maintenant décédée, a tenu un magasin de brocante et s'est retrouvée avec des centaines de chaises. J'ai rêvé à la montagne de chaises qu'on retrouve dans le film. Mais je ne sais pas vraiment ce que tout cela veut dire. Parfois, j'aime ne pas tout savoir.»

Le réalisateur d'À l'origine d'un cri a aussi révélé que de tous les films qu'il a réalisés jusqu'à maintenant, Les affamés est celui qu'il préfère. On peut le comprendre, dans la mesure où ce thriller à sensations fortes célèbre, à sa façon, le pur plaisir du cinéma.

En principe, les spectateurs québécois pourront découvrir les «affaires qui se passent dans le rang 8» à l'automne.